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cultures, en animaux, peuplée, jadis industrielle, ne le redevienne pas dès qu’on lui donnera la force et les transports à bon marché.


VI

L’intérêt de plusieurs millions de Français commande donc d’améliorer la Loire. Mais les actionnaires et les ingénieurs de chemins de fer protestent : une voie navigable, c’est la ruine des voies ferrées ! Cet argument, peu terrible, demande à être examiné, tant on l’emploie encore chez nous.

Cette concurrence est-elle si grave ? La seule compagnie qui ne fasse pas appel à l’État, le Nord, dessert la région sillonnée par les voies navigables les plus nombreuses et les plus fréquentées. Les 471 000 t. qui ont circulé sur le Rhône en 1895, n’ont pas empêché les deux voies ferrées parallèles d’en transporter plus de trois millions. La meilleure ligne de l’Ouest n’est-elle pas celle de la Seine, où se pressent plus de cent mille bateaux ? Sortons de France : en Belgique, en Angleterre, wagons et bateaux circulent partout ; on ne s’y plaint pas de la concurrence. De même en Allemagne : le mouvement des marchandises s’élève sur le Rhin de 9 800 000 t. à 13 800 000 entre 1886 et 1890, et sur les deux voies ferrées parallèles, de 47 millions à 59 millions. Le Mein a été canalisé en 1887 de Francfort à Mayence : deux ans après, la navigation transportait 600 000 t. au lieu de 152 000, le chemin de fer 1 400 000 au lieu de 900 000. On voit, en Allemagne, le ministre des chemins de fer soutenir au Reichstag des projets de canaux et faire créer des ports. En Autriche, les compagnies de chemins de fer en installent à leurs frais.

Partout éclate l’accord entre les deux modes de transport ; les quais des ports rhénans sont desservis par 313 kilomètres de chemins de fer, dont 90 à Mannheim seulement. On développe concurremment voies ferrées et voies navigables. On sait l’extension qu’ont prise les chemins de fer en Allemagne ; l’essor de la navigation est aussi remarquable. La Prusse a dépensé 356 millions de francs pour améliorer le Rhin, l’Elbe et l’Oder, dont 270 pour le Rhin seul. Aussi la navigation, sur le Rhin, est-elle quinze fois plus importante qu’il y a trente ans. Non contens de ces travaux, les Allemands veulent unir le Rhin à l’Ems, à la Weser, à l’Elbe, le Mein et l’Oder au Danube ; et les Russes vont