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voit déjà dans un mémoire inédit de Lavoisier que M. Gallouédec a heureusement exhumé il y a deux ans[1].

Sous la Restauration, le projet fut repris en 1821 par M. Jousselin et très approuvé par les populations riveraines. M, Laisné de Villevêque, député du Loiret, obtint en 1828 de faire les études nécessaires. Après une longue enquête, dont les pièces se trouvent aux archives du ministère des Travaux publics, il fut autorisé à construire un canal latéral. (Loi du 17 juin 1836.) Il devait, de Combleux à l’embouchure du Beuvron, suivre la rive gauche du fleuve, puis la droite jusqu’à Vouvray, passer alors sur la gauche jusqu’au Cher ; de là jusqu’à la Maine, il empruntait, à droite, les vallées de la Lane et de l’Authion, et reviendrait à gauche jusqu’à Boirecourant où il se terminerait, à 6 kilomètres de Nantes. Mais M. de Villevêque ne put constituer le fonds social, et sa concession fut frappée de déchéance (23 octobre 1840). Il avait évalué la dépense à 31 625 000 francs et les recettes à 5617 620 francs (au maximum 7 572 138 francs) en paix, à 10 985 437 francs en guerre : « la Loire, ne pouvant être exactement bloquée, deviendrait l’unique issue du cabotage et du commerce maritime » !

On s’étonnera peut-être de voir un canal latéral si souvent transversal. Il a l’air, sur la carte, d’une liane autour d’un arbre. Mais la présence de coteaux à pente brusque, presque à pic sur le fleuve, forçait bien le canal à passer sur l’autre rive. De plus, chaque grande ville veut le canal sous ses murs. Or, Tours et Saumur sont sur la rive gauche, mais Orléans et Blois sur la droite. Le projet de 1836 lésait Blois.

Cet échec nuisit à la cause[2]. Pendant vingt ans, on ne songe qu’aux digues insubmersibles, dont on a vu le triste résultat. On revint à l’idée du canal, idée séduisante, puisque le lit majeur a partout une largeur suffisante pour qu’on y établisse une voie latérale, et que de très nombreuses rivières coulent dans les vais successifs parallèlement à la Loire, sur une très grande longueur. En 1860, l’ingénieur Collin proposa un plan auquel son nom est resté attaché, et qui a rallié tous les partisans d’un canal.

Bien plus sinueux que le projet de 1836, il ne compte pourtant

  1. A la même époque, on proposait d’unir le Loir au canal du Loing.
  2. Il nuisit autant à Balzac. Il avait compté acheter à M. de Villevêque sa concession pour la revendre aussitôt à Rothschild « le double ou le triple ». Il espérait se faire prêter, grâce à Rossini, 20 000 ducats par Aguado. (Lettres à Mme Hanska.)