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Que seraient ces barrages ? Fixes, ils seraient désastreux en temps de crue. On ne songe qu’aux barrages mobiles. Mais les beaux barrages mobiles perfectionnés, flanqués de dérivations éclusées, tels que ceux de la Seine, valent très cher. Que de barrages entre Briare et Nantes ! Et quelle dépense !

Pourra-t-on enfin obtenir ainsi la profondeur nécessaire ? On donne peu à peu à nos grandes voies celle de 2 mètres ; ainsi se constitue un réseau « de première classe » où les bateaux longs de 38 mètres peuvent circuler sur plus de 3 000 kilomètres. Pour être économiques, les transports doivent se faire sans transbordement. Une suite de canaux de tirant d’eau inégal n’équivaut pas à un chemin de fer. Pour devenir une voie navigable sérieuse, la Loire doit offrir la profondeur de 2 mètres et faire passer à pleine charge sur son cours les bateaux de la Seine, du nord et de l’est.

Quelques personnes ont espéré utiliser le fleuve et l’améliorer à peu de frais. Des barrages mobiles, formés de panneaux de bois reliés par des câbles métalliques, et placés obliquement en basses eaux chaque année, détermineraient par resserrement le creusement du chenal à chaque haut-fond. L’essai, dû à l’invention de M. Audouin et à l’intervention généreuse de M. Kœnigswarter, a réussi à Montjean où on l’a tenté. C’est un moyen ingénieux de creuser provisoirement un chenal sur un point particulier ; c’est par des procédés de ce genre que la Loire était accessible aux barques du moyen âge. Ce n’est pas le moyen de rectification permanente nécessaire à la navigation actuelle. D’ailleurs, le sable, ainsi chassé, doit refluer quelque part ; s’il ne se réfugie pas en masse sur le flanc du barrage, il ira combler les mouilles d’aval. Faire descendre un banc, c’est l’amener sur une partie du cours où la vitesse est moindre et peut même se réduire au point de ne plus enlever le dépôt qu’en crue extraordinaire. C’est sagement que l’on enseigne aux Ponts et Chaussées : « A moins de circonstances exceptionnelles, il faut se garder des travaux partiels en vue de la modification d’un seul passage défectueux, sans les rattacher, au préalable, à une étude d’ensemble embrassant la totalité du cours d’eau. »

Reste donc un dernier recours, le canal latéral ; c’est la solution des cas désespérés, généralement la plus coûteuse aussi.

L’idée d’un canal latéral à la Loire n’est pas nouvelle. On la