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bien que, dans la section de la Garonne dont il était chargé, la profondeur est passée de 0m,70 à 2 mètres. Les lois de « l’amélioration des rivières à fond mobile » s’enseignent couramment partout, malgré d’inévitables détracteurs. Au dernier congrès de navigation intérieure, tenu à la Haye, un ingénieur allemand, M. Jasmund, déclarait que l’étude de l’Elbe, dont il est chargé, les confirmait absolument.

On voit, dès lors, avec quelle prudence on doit couper les boucles d’un fleuve, changer ses sinuosités : une seule modification peut transformer, en bien ou en mal, le lit sur une très grande longueur.

Il faut arriver cependant à unir partout les mouilles successives, qui par leurs extrémités, sont voisines et presque parallèles. C’est à cela que s’applique la science et aussi le coup d’œil de l’ingénieur, car les mathématiques ne résolvent pas toutes ces questions.

Mais si l’on trace bien les rives, les sables circulent davantage, le lit se creuse de plus en plus, tant qu’il est mobile ; la pente diminue. Le mouvement se propagerait toujours en amont, amènerait l’effondrement des rives, si aucun barrage naturel ou artificiel ne coupait le lit, ne lui donnait un point d’appui. Sur la Garonne, la profondeur en étiage sur le radier de l’écluse d’embouchure du canal latéral, à Castets, est tombée de 2 mètres à 1m,25 ; la cote d’étiage à Bordeaux, en aval, n’a pas varié ; la pente a donc diminué sur la section. Sur le Rhône, les épis noyés ont comblé les mouilles exagérées, érodé les hauts-fonds ; on a fermé les bras morts ; aussi la suppression des tourbillons, des remous, a-t-elle annulé des pertes de force vive, accru l’action de la gravité et notablement contribuée augmenter l’érosion et à diminuer la pente.

Ces exemples caractéristiques montrent le danger à éviter sur la Loire. Il faut à la fois augmenter la profondeur des eaux et en diminuer la vitesse. On le peut : la vitesse diminue si le fleuve s’élargit, et il s’élargit si la pente décroît. En régularisant la Loire par le « système Fargue », on obtiendrait donc ce résultat. Mais pour empêcher le creusement de se faire toujours plus vers l’amont et d’amener l’effondrement des rives, on ne peut éviter de diviser le lit, de le soutenir de distance en distance par des barrages. En amont du barrage, le lit garde son ancien niveau ; en aval, il est notablement plus bas.