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« On ne sait pas au juste ce que l’on doit faire sur la Loire, disait M. Krantz en 1873, mais on sait au moins ce qu’il faut éviter, et c’est quelque chose. »

On avait donc déjà tenté d’améliorer le fleuve, et ces travaux n’avaient servi de rien. Examinons-les rapidement.

A toute époque, on a su barrer un faux bras, défendre une rive, une île. Mais améliorer un fleuve en totalité, ou au moins sur une grande longueur, ne date que du XVIIe siècle. Depuis Louis XIV les plans d’ensemble se succèdent. Naturellement, les Hollandais commencent. Ils parcourent alors l’Europe en quête de desséchemens, de canalisations, de dérivations, comme on voit aujourd’hui les Anglais éclairer au gaz ou doter de métropolitains les villes du continent. Nos ancêtres, gens de sang-froid, ne croient pas le monde perdu et ne se demandent pas avec terreur à quoi tient la supériorité des Hollandais ? En attendant un déclin qu’on pouvait prévoir, ils les employaient à défaut des Français. Les Hollandais proposèrent donc d’améliorer la Loire dans sa partie maritime et sa partie fluviale ; on leur eût en échange accordé l’entrée à Nantes en franchise. Un seul procédé d’ailleurs : les digues submersibles. On sait qu’en rétrécissant un cours d’eau, on augmente sa force. Les Hollandais espéraient, par ce procédé, augmenter le tirant d’eau du fleuve et en chasser les sables. Habitués à leurs fleuves réguliers, bien alimentés, ils ne pouvaient penser que la Loire manquait d’eau et laisserait les bancs s’allonger même dans les passes rétrécies. Notons d’ailleurs qu’ils ne proposèrent pas de digues insubmersibles ; ils en savaient le danger.

On n’accepta pas leurs offres, mais en 1746 une commission d’études se ralliait à leur système. En 1755, on construisit des digues entre Nantes et Paimbœuf. Le résultat fut d’abord favorable : dans cette section, où l’eau ne manque jamais, le lit se creusa ; mais entre les digues et la rive, le sable se déposa librement à l’abri ; le cube de l’estuaire diminua d’autant, et par suite les masses du flot et du jusant, qui forment dans tout l’estuaire un jeu de chasses pour l’expulsion des sables et le maintien des vases en suspension. Aussi l’amélioration resta locale ou même disparut rapidement. A la même époque, vers 1730, on rétrécit la Loire à Orléans, — avec un insuccès complet, — ce qui n’empêche pas de continuer la même œuvre, un siècle plus tard, en 1834, sur trois kilomètres.