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Notre temps enfin a raisonné ou peut-être s’est souvenu de l’Egypte. Il n’est plus un ingénieur qui admette qu’on se ferme aux inondations ; on leur ouvre la porte, pas toute grande, mais il faut l’ouvrir.

On a proposé bien des remèdes. En diminuant la hauteur des digues d’amont en aval, la crue s’épancherait plus largement : elle tomberait, lors du maximum, sur une nappe d’eau amortissante. Mais elle se jetterait par-dessus les digues sur toute leur longueur ; il faudrait en fortifier le sommet d’un bout à l’autre, à un prix exorbitant. On a pensé aussi à ouvrir dans les digues des passes depuis le niveau des rives en aval jusqu’à une hauteur de cinq mètres au-dessus de l’étiage en amont : on obtiendrait ainsi une série de déversoirs qui s’échelonneraient juste en proportion de l’élévation des crues. Mais ouvrir des passes est toujours dangereux : des remous se produisent aux bords, les affouillent, et le fleuve emporte une longueur de digues qu’on n’avait pas prévue. D’ailleurs ce système maintient le néfaste endiguement. D’autres se contenteraient de digues submersibles, arasées à 3 ou 4 mètres au-dessus de l’étiage. Enfin certaines vallées latérales basses pourraient servir de déversoirs. La Cisse, l’Authion, par exemple, jouent ce rôle en temps de crue. La Loire reflue même dans la Maine qui lui rend ses eaux quelques jours après. Mais c’est un aménagement difficile à calculer. Les anciens déversoirs de Saint-Martin près Gien, de Mazan près Beaugency, ont le seuil si bas qu’ils s’emplissent bien avant l’arrivée du maximum de la crue ; ils ne la diminuent donc pas. Après la crue de 1866, trois nouveaux déversoirs ont été faits. Mais les propriétaires sont hostiles à ce système : on croit encore sur les bords de la Loire à l’efficacité des digues ! L’incertitude n’est pourtant plus possible ; l’endiguement complet est une chimère ; il faut au moins des déversoirs, à condition toutefois qu’ils ne fonctionnent que quand le fleuve s’élève très haut, à cinq mètres au-dessus de l’étiage par exemple, qu’ils restent vides, ou presque, jusqu’au moment critique de la crue.

Il est bon de le répéter au public qui s’éprend à la légère de systèmes compliqués de bassins de retenue sans en voir les conséquences. On a parlé de reconstituer par fractions l’ancien lac de la Loire supérieure, pour supprimer le double inconvénient des crues et des maigres. Les gorges porphyriques de Pinay retiennent déjà partie des eaux d’amont, surtout depuis que l’ingénieur Mathieu