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PEUT-ON SAUVER LA LOIRE ?

« Beaucoup de Français ignorent certainement que leur plus grand fleuve, un fleuve de 900 kilomètres de long, la Loire, n’est pas navigable. A 400 kilomètres de son embouchure, la Loire n’a pourtant pas moins de 1 000 mètres de large. On y voit des ponts qui ont jusqu’à 1 100 mètres. Mais en été, même sans qu’il y ait eu de sécheresse extraordinaire, cet immense lit est à sec ! Ce n’est pas qu’on n’y aperçoive quelques filets d’eau coulant isolés entre des îles basses. Mesurés dans leur ensemble, ces ruisseaux ont bien 80 à 100 mètres de largeur totale. Ils pourraient même en été porter des bateaux, s’ils étaient habilement captés et réunis tous en un seul courant. Mais non ! le lit de la Loire est sauvage comme un désert, dont il a d’ailleurs tous les caractères essentiels : de vastes plaines de sable ; de-ci de-là quelques touffes de verdure, et puis des filets sortant on ne sait d’où, qui creusent des sillons plus ou moins profonds. »

C’est la Gazette de Voss qui parle ainsi sans parti pris de dénigrer la France pour plaire à des lecteurs allemands. L’auteur n’exagère pas : la Loire ne peut porter bateau. Beaucoup de Français ne s’en doutent pas ; ceux qui le savent ignorent souvent qu’elle a été navigable ; bien peu croient qu’elle le puisse redevenir, et combien soupçonnent le profit que notre pays trouverait à ce qu’elle le fût ?

Peut-on sauver la Loire ? Toute la France doit le souhaiter. Mais en matière de travaux publics les moindres erreurs amènent d’irréparables désastres, et l’on dépense par dizaines de millions.