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continus, mais un peu tardifs, pour réparer les lacunes de ces informations décousues et surannées et pour mettre à jour le livre vieilli de Mme de Staël ; — il me semble qu’on peut résumer en ces termes ce que nos romantiques ont su de l’Allemagne. Ils l’ont sensiblement plus aimée que connue. Ils ne l’ont pas cependant ignorée. Ils l’ont même mieux connue qu’on ne l’a dit souvent chez nous, — ce qui ne veut pas dire assurément qu’ils l’aient connue à fond. Enfin, ils ont lu quelques livres allemands seulement ; mais ils les ont lus avec respect et presque avec dévotion ; et, comme ces livres sont parmi les plus beaux que l’Allemagne ait jamais produits, leur influence a été réelle et durable.


II

La littérature allemande semble avoir agi de deux manières sur le romantisme français.

En premier lieu, — et cela principalement pendant la période de début, entre 1820 et 1830, — elle a contribué adonner au mouvement une orientation générale. Elle a été alors moins un objet d’imitation qu’un instrument d’émancipation ; et, comme la lutte fut particulièrement chaude au théâtre, c’est au théâtre aussi qu’on s’est le plus hautement réclamé de quelques dramaturges allemands.

En second lieu, — et cela surtout après 1830, — cette même littérature, mieux connue, étudiée de plus près, plus vraiment familière enfin à quelques-uns de nos écrivains, a donné au lyrisme romantique une ou deux impulsions nouvelles. Elle n’a, à vrai dire, rien importé en France d’absolument original, mais elle a fortement contribué à acclimater chez nous, par exemple, avec Hoffmann, le roman et la poésie fantastiques, ou, avec Faust, la poésie philosophique. — Et c’est peut-être ce que ses récens historiens n’ont pas assez nettement marqué.

« D’où nous viennent ces doctrines ? sont-elles nées parmi nous ? Non, ce sont des fruits étrangers : fruits dangereux, véritables poisons, qui ne peuvent que hâter l’extinction totale dont notre littérature est menacée. C’est des bords du lac de Genève, c’est du fond de l’Allemagne, que de nouveaux docteurs ont proclamé ces théories dans un français môle de germanismes... » C’est en ces termes que Dussault, défenseur des saines doctrines, gardien attitré de la citadelle classique, dénonçait dans les Annales