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imitations ou continuations qu’en firent Cousin, Quinet, Lerminier, Saint-Marc Girardin, Gérard de Nerval, beaucoup d’autres. Cependant l’Allemagne restait assez peu familière aux « bourgeois » de 1825, et les « bousingots », plus enthousiastes, n’étaient pas toujours plus exactement informés. Leur admiration allait surtout à l’Allemagne du moyen âge et à ces châtelaines « dont la chevelure dorée, comme dit Heine, descend avec grâce sur leur visage de roses. » Volontiers, ils peignaient, avec Musset, des jeunes filles blondes comme la Gretchen de Goethe et candides comme elle. Volontiers, ils laissaient leur pensée errer avec Victor Hugo dans les châteaux du Rhin, et il leur arrivait d’écrire le plus sérieusement du monde : « Quelles maisons que les burgs du Rhin ! Et quels habitans que les burgraves !... Nous, nations riveraines du Rhin, nous venons d’eux ; ils sont nos pères. » Aussi bien, n’avaient-ils pas, les Job et les Magnus, trois armures dont « la première était faite de courage, c’était leur cœur ; la deuxième d’acier, c’était leur vêtement ; la troisième de granit, c’était leur forteresse ? » Qui donc hésiterait à avouer de pareils ancêtres ? Et qui donc se refuserait à répéter ce délicieux couplet de Victor Hugo à la patrie des Burgraves ?


Rien n’est frais et charmant comme tes plaines vertes ;
Les brèches de la brume aux rayons sont ouvertes ;
Le hameau dort groupé sous l’aile du manoir,
Et la vierge, accoudée aux citernes, le soir,
Blonde, a la ressemblance adorable des anges...


Pas plus enfin que la langue ou que le pays, la littérature allemande ne fut toujours très familière aux premiers romantiques, ceux d’avant la fondation de la Revue des Deux Mondes. Il est remarquable qu’aucune bonne histoire de cette littérature ne fut publiée à cette époque. Loève-Veimars donna bien, en 1826, un Résumé de l’histoire de la littérature allemande, mais c’est un précis assez sec, inspiré de Bouterweck. De fait, on s’en tenait à Mme de Staël. Beaucoup d’écrivains allemands, même des plus grands, restaient comme Gœthe, au témoignage de Sainte-Beuve, des demi-dieux « honorés et devinés plutôt que bien connus. « Tel critique de 1822 attribuait le Roi des Aulnes, « poème élégiaque », à « la muse si distinguée de M. de La Touche. » Tel poète dramatique, — c’est Dumas en personne, — adaptant Intrigue et Amour de Schiller, introduisait dans la pièce ce couplet inattendu de Miller à sa femme : « Tous les amours commencent par être purs,