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L’INFLUENCE ALLEMANDE
DANS LE
ROMANTISME FRANÇAIS

Divers travaux récens ont ramené l’attention sur l’un des plus difficiles problèmes d’histoire dont le XIXe siècle finissant laissera au XXe le soin de trouver la solution, je veux dire la question des rapports intellectuels de la France avec l’Allemagne. Problème obscur par définition : quoi de plus obscur que le génie d’une nation, si ce n’est le résultat du contact de deux nations ? On s’égare facilement à parler de ces choses. Tout au moins y faut-il le lointain et le recul des siècles, qui nous manque ici : car il n’y a pas plus de cent cinquante ans que nous entretenons avec l’Allemagne des relations suivies dans l’ordre intellectuel, et cent cinquante ans, pour l’histoire, c’est peu. — Ai-je besoin de signaler l’autre grande difficulté, qui nous empêche, et nous empêchera longtemps, nous Français, d’envisager froidement la question ? Depuis un quart de siècle, on nous a tant répété, et sur tous les tons, que le triomphe du génie germanique sonnait le glas de l’esprit français, que nous sommes devenus très sceptiques à l’endroit des historiens d’outre-Rhin, quand ils nous vantent, en de savans et partiaux ouvrages, les bienfaits dont le second serait redevable au premier. Il ne s’agit en ce moment, je le sais, que de littérature ou de science ou d’art... Mais quoi ! le patrimoine intellectuel d’une nation est une chose sacrée, et, quand ce patrimoine est celui de la France, comment l’historien se résignerait-il