Au long des grands murs d’un couvent
Des feuilles bruissent au vent.
Pensionnaires... Orphelines...
Rubans bleus sur les pèlerines...
C’est le jardin des Ursulines.
Une brise à travers les grilles
Passe aussi douce qu’un soupir.
Et cette étoile aux feux tranquilles,
Là-bas, semble, au fond des charmilles.
Une veilleuse de saphir.
Oh ! sous les toits d’ardoise à la lune pâlis.
Les vierges et leur pur sommeil aux chambres claires,
Et leurs petits cous ronds noués de scapulaires.
Et leurs corps sans péché dans la blancheur des lits !..
D’une heure égale ici l’heure égale est suivie.
Et l’Innocence en paix dort au bord de la vie...
Triste et déserte infiniment
Sous le clair de lune électrique,
Voici que la place historique
Aligne solennellement
Ses vieux hôtels du Parlement.
A l’angle, une fenêtre est éclairée encor.
Une lampe est là-haut, qui veille quand tout dort !
Sous le frôle tissu, qui tamise sa flamme,
Furtive, par instans, glisse une ombre de femme.
La fenêtre sentr’ouvre un peu ;
Et la femme, poignant aveu,
Tord ses beaux bras nus dans l’air bleu...
O secrètes ardeurs des nuits provinciales !
Cœurs qui brûlent ! Cheveux en désordre épandus !
Beaux seins lourds de désirs, pétris par des mains pâles
Grands appels supplians, et jamais entendus !
Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/604
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.