Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/603

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les couleurs, les rumeurs s’éteignent peu à peu ;
L’enchantement du soir s’achève... et tout est bleu !
Ineffable minute où l’âme de la foule
Se sent mourir un peu dans le jour qui s’écoule...
Et le cœur va flottant vers de tendres hasards
Dans l’ombre qui s’étoile aux lanternes des chars.
Premiers soirs de printemps : brises, légères fièvres !
Douceur des yeux !... Tiédeur des mains !... Langueur des lèvres !
Et l’Amour, une rose à la bouche, laissant
Traîner à terre un peu de son manteau glissant,
Nonchalamment s’accoude au parapet du fleuve,
Et puisant au carquois d’or une flèche neuve,
De ses beaux yeux voilés, cruel adolescent.
Sourit, silencieux, à la Nuit qui consent.



NOCTURNE PROVINCIAL




Le petite ville sans bruit
Dort profondément dans la nuit.

Aux vieux réverbères à branches
Agonise un gaz indigent ;
Mais soudain la lune émergeant
Fait tout au long des maisons blanches
Resplendir des vitres d’argent.

La nuit tiède s’évente au long des marronniers...
La nuit tardive, où flotte encor de la lumière.
Tout est noir et désert aux anciens quartiers ;
Mon âme, accoude-toi sur le vieux pont de pierre,
Et respire la bonne odeur de la rivière.

Le silence est si grand que mon cœur en frissonne.
Seul, le bruit de mes pas sur le pavé résonne.
Le silence tressaille au cœur, et minuit sonne !