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cherché l’argent. Ils n’ont cherché que le plaisir ; et le plaisir, rappelons-nous-le bien, a donné plus de belles œuvres à l’art que l’ambition, — le plaisir modeste, intime et muet que cherchaient les Millet et les Rousseau dans les sentiers de Barbizon. — Ils aiment la nature : ils écoutent ce qu’elle dit, et elle leur dit parfois ce qu’elle ne dit pas à d’autres. Après la grande moisson faite par les paysagistes du siècle, ils viennent, se courbant et ramassant des glanes. Mais, des glanes des champs, on peut encore se nourrir, et mieux que des fleurs artificielles, quattrocentistes ou cinquocentistes cueillies dans les ateliers...

Ces artistes n’ont rien de mystérieux : ils dévoilent et jettent à la foule tous leurs secrets et toutes leurs recettes. Les prend qui veut ! Mais peu les prennent, et moins encore en profitent. Car ce n’est pas leurs papiers et leurs ingrédiens chimiques, et leurs écrans et leurs lampes au magnésium, qui font leur supériorité, c’est leur éducation esthétique et c’est leur goût. Pas plus en art qu’en armes, il n’est de « botte secrète ». Ce sont les procédés les plus simples et les plus connus qui mènent le mieux au but qu’on veut atteindre ; le secret n’est point dans une combinaison de recettes soigneusement tues et dont on peut donner ou ne pas donner la formule : il est dans la tête, il est dans l’œil, il est dans la main, il est dans le cœur. Et s’il fallait une preuve de plus que ce ne sont nullement des procédés nouveaux, mais bien de nouvelles intentions qui créent ces belles œuvres photographiques, on la trouverait dans ce fait que, parmi tant de milliers de photographes qui couvrent la surface de la terre, il n’en est guère plus de dix ou douze en France et d’une trentaine à l’étranger qui aient, jusqu’ici, produit des épreuves comparables à des œuvres d’art. Et combien chacun en produit-il ? A peine, par an, une ou deux qui vaillent la peine d’être citées. Cela doit rassurer les artistes ; et ceux-ci feraient sagement en ouvrant les portes de leurs expositions de blanc et de noir aux chercheurs modestes et enthousiastes qui s’acheminent, par des voies différentes, au même idéal.

Quand on se promène dans la longue galerie des Candélabres du musée des Antiques, au Vatican, si on lève les yeux au-dessus des têtes d’Hermès et de Furies, des Silènes et de Mercure psycopompe, et de la Diane d’Ephèse aux seize mamelles, et du Satyre enlevant une épine du pied d’un Faune, et si l’on regarde les plafonds peints durant le présent pontificat, on aperçoit