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mais pourquoi choisir ces instrumens ? Si l’on remarque des exagérations de perspective dans les objectifs à grand angle, pourquoi ne pas choisir des objectifs à petit angle qui, eux, ne donneront pas ce résultat monstrueux ? Et si l’objectif est à grand angle, pourquoi le placer si près de la chose à photographier que les lignes principales partent du bas même de l’épreuve, et soient agrandies ainsi à l’excès au bord inférieur de l’image, puis diminuées à l’excès à mesure qu’elles montent et fuient vers l’horizon ? — Pourquoi ? Simplement parce que le photographe a voulu comprendre le plus de choses possible dans le champ de l’appareil, afin de voir à la fois ce qu’il y a à ses pieds et ce qui plane au-dessus de sa ligne d’horizon. Parce que, dans son désir d’enregistrer un grand nombre de détails, et dans son ignorance profonde de la loi des sacrifices nécessaires, il veut embrasser avec l’œil de son objectif plus qu’il ne peut le faire d’un seul regard de ses propres yeux. C’est ainsi que, dans les épreuves dont la perspective nous choque, la photographie a été forcée d’enregistrer plusieurs plans que le photographe n’apercevait pas d’ensemble, et qu’il n’aurait jamais dû réunir dans son image, ne les réunissant pas dans la réalité. Là est le défaut, mais il ne tient pas à l’objectif : il tient, au contraire, à ce qu’il y a de plus « subjectif » dans l’opérateur : son sentiment faux de la beauté. Donnez à ce photographe un crayon : il fera, en dessinant, les mêmes erreurs. Donnez à un artiste cet objectif : il ne les fera pas.

Ce qu’il ne fera pas non plus, c’est un paysage sans ciel, comme ce fut jusqu’à nos jours la règle de tout bon manieur de collodion ou de gélatino-bromure. Et, là encore, est-ce bien l’appareil qu’il faut accuser de cette étrange suppression du ton local le plus nécessaire ? Assurément oui, quand il s’agit d’un ciel bleu, car cette couleur impressionne si fortement la plaque qu’il ne reste rien sur cette plaque pour donner un ton à l’épreuve, et qu’ainsi tout ce qui était bleu dans la nature devient, dans l’image, blanc. Mais on a plusieurs moyens de parer à cet inconvénient. On a les verres de diverses couleurs, permettant de faire poser longtemps devant la plaque les couleurs qui viennent trop lentement, sans laisser passer un seul rayon de celles qui viennent trop vite. On a encore la ressource de développer plus ou moins toute une partie du cliché. On peut, enfin, si l’on se sert de papiers charbon-velours ou de papier à la gomme bichromatée, réserver, dans le