Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/570

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA PHOTOGRAPHIE
EST-ELLE UN ART ?

Quelque chose change ou va changer dans l’esthétique du noir et du blanc. Un mouvement nouveau entraîne les photographes hors et à rebours des voies où ils avaient accoutumé de cheminer jusqu’ici. Ce mouvement est international. Tant à Vienne qu’à Bruxelles et à Londres qu’à Paris, aussi bien sur les terrasses de Taormine en Sicile qu’en Nouvelle-Zélande sur la côte d’or de Coromandel, partout où il y a des photographes, ils semblent préoccupés de recherches que les chimistes ignorent, et agités d’inquiétudes que leurs devanciers n’avaient pas connues. Ils flânent plus volontiers en plein air, par les bois, les plaines et les grèves, même dans des lieux sans monumens et à des heures sans soleil. Que cherchent-ils ? Si un vieux professionnel de la chambre noire les suit et les observe, il s’étonne et se scandalise. Il les voit s’arrêter devant un espace vide de « site », un néant ; quelque lande aux bruyères fleuries, quelque bord d’étang « où les joncs agités font un éternel murmure. » Là, il aperçoit avec horreur que ces jeunes confrères violent toutes les règles de la profession. Ils se placent à contre-jour, en face du soleil. Ils ne mettent pas rigoureusement au point. Chose incroyable, il arrive qu’ils ne se servent pas toujours du système de lentilles qu’on nomme l’objectif !

S’il pénètre dans leur atelier, l’étonnement n’est pas moindre. Où est le vitrage en manière d’aquarium, et le jeu de rideaux, et la lumière crue indispensable à un « bon cliché » ? 0ù est le carcan de fer pour maintenir la tête du patient, et le banc rustique, et la