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A chaque instant, la science est bouleversée par les découvertes nouvelles. Il est bien certain que, il y a trente ans, un médecin pratiquant la laparotomie, comme elle se pratique aujourd’hui, aurait été considéré comme coupable d’imprudence ; et cependant, actuellement, c’est une opération que l’on fait couramment. Il y vingt-cinq ans, quelques médecins, quelques académiciens niaient la contagiosité de la variole ; et maintenant on considérerait comme coupable le médecin qui ne ferait pas tout son possible pour isoler complètement un varioleux.

Puis, ce conseil médical serait un tribunal d’exception ; et, chaque fois qu’un jugement est rendu par un semblable tribunal, il n’inspire pas au public la confiance désirable. Si le médecin appelé devant le conseil est acquitté, que dira le public ? « Entre médecins, on ne se condamne pas ! » Au contraire, si le coupable est puni, le même public s’écriera : « Rien d’étonnant à cela : envie, jalousie, pessima invidia medicorum ! »

La mise à l’index du médecin lui retirera-t-elle sa clientèle ? Assurément non, peut-être même aurait-il plus de cliens après son exclusion. En 1894, on obligea les médecins à porter leurs diplômes à la Préfecture de police, pour vérifier si tous les médecins de Paris exerçaient légalement. Un médecin ne se présente pas ; on le convoque par l’intermédiaire du commissaire de police ; il se rend à l’invitation, et dit : « Voici mon diplôme, je suis bien docteur ; mais ne le dites pas, car ma clientèle me quitterait ; elle ne me conserve comme médecin que parce qu’elle croit que j’exerce illégalement, »

Enfin. il faudrait, non pas seulement que l’impartialité absolue de ce tribunal fût admise par l’opinion publique, il faudrait qu’elle fût réelle. Est-on sûr que les inimitiés personnelles, les rivalités antérieures, les opinions médicales des différens membres du conseil, n’influeront par sur les résultats des délibérations ? Je le voudrais, je ne le crois pas.

Il me serait facile d’en fournir la preuve ; dans certains cas, des médecins, commis comme experts pour apprécier les actes d’un de leurs confrères, ont procédé avec une partialité qui témoignait trop qu’ils n’avaient pas oublié leurs animosités antérieures.

Mais, ce que je reproche surtout à ce projet, c’est que la magistrature devrait intervenir à un moment donné, soit pour confirmer, soit pour casser la sentence rendue. Or, dans le conseil