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En effet, aucune loi nouvelle n’est intervenue, touchant cette question ; il n’y a pas lieu d’espérer, je dirais plutôt : de craindre qu’on en édicté une.

Ceux qui ont pris part aux débats du Parlement ou qui les ont suivis avec soin, pendant la discussion de la loi sur l’exercice de la médecine, savent que le corps médical se heurte à un sentiment de suspicion très net, très franchement avoué. Il appartient à ceux qui, par leurs écrits, préparent l’opinion, de ne pas exaspérer ce sentiment. En tout cas, ce que je puis affirmer à mes confrères, c’est qu’en ce moment le législateur ne semble pas disposé à promulguer une loi conférant au corps médical l’irresponsabilité réclamée.

Il y a, de la part de quelques-uns de ses membres, une contradiction singulière. Dans quelques journaux médicaux, on lit chaque jour que tel médecin a commis tous les méfaits imaginables ; il en vit, c’est son œuvre journalière ; et ces mêmes journaux demandent l’irresponsabilité médicale absolue. Il suffit de les ouvrir pour trouver des argumens péremptoires à opposer à leur thèse. N’ayant pas un texte spécial sur la responsabilité, les tribunaux ne peuvent qu’appliquer aux médecins les principes qui constituent la responsabilité de tous les citoyens : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence (Code civil, art. 1382), et art. 319 et 320 du Code pénal). »

Mais sur quelles données le tribunal peut-il établir son appréciation ? Peut-il substituer ses opinions médicales à celles du médecin lui-même ? A-t-il à formuler des règles médicales ou chirurgicales ? — Ce serait revenir aux coutumes égyptiennes.

« Les Égyptiens, dit Diodore de Sicile, avaient un livre, qui renfermait les règles de la science médicale auxquelles les médecins étaient tenus de se conformer ponctuellement ; ces règles avaient été tracées par les successeurs les plus immédiats et les plus célèbres d’Hermès. Lorsque les médecins les suivaient avec exactitude, ils étaient à l’abri de toute poursuite, même lorsque le malade venait à périr ; mais, dès qu’ils s’en écartaient, on les punissait de mort, quelle que fût, d’ailleurs, l’issue de la maladie. »

La vérité se trouve, suivant moi, dans les règles formulées par le procureur général Dupin, en 1835 :

« Dans les questions de ce genre, il ne s’agit pas de savoir si tel traitement a été ordonné à propos ou mal à propos ; s’il devait