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Le même mot d’ordre circule dans les châteaux, dans les boutiques et dans les maisons de paysans. En ces manoirs entourés de parcs immenses, perchés sur la hauteur au bout de la plaine poudreuse, hérissés de tourelles et de clochetons ; aux escaliers de pierre dont les murs sont tapissés de trophées de chasse, — peaux d’ours, cornes de cerfs, ailes d’oiseaux ; — aux salles encombrées de meubles sculptés naïvement dans le bois massif ; en ces demeures nobles, froides et comme refermées sur ce qui fut, qui évoquent des siècles oubliés, — aussi bien que dans la fabrique aux cheminées fumantes, aux ateliers bourdonnans, toute droite et toute plate sous sa tuile neuve, née du matin aux portes de la ville, — partout la même formule est prononcée de la même voix : « Nous revendiquons les droits de la couronne de Bohème : qu’on nous rende nos droits historiques ! »

Et l’on développe ainsi la proposition : « Ces droits ne sont-ils pas établis et reconnus ? Louis XV, pour citer un roi de France, et, après lui, la Convention, n’ont-ils pas déclaré la guerre à la reine ou au roi de Bohême et de Hongrie ? Que réclamons-nous, au total ? En Bohême, une parfaite égalité entre les Tchèques et les Allemands. Dans l’Empire, une autonomie qui nous permettra de disposer plus largement de nos ressources ; non pas l’autonomie hors de l’Empire et contre l’Empire, mais l’autonomie dans l’Empire. Nous ne réclamons pas le même traitement que la Hongrie (mais il est des Tchèques qui le réclament) ; toutefois la Bohème n’est ni géographiquement, ni politiquement, ni économiquement, une province comme Salzbourg ou Gœrtz : c’est plus qu’une province, c’est un État : elle veut être traitée en État. Nous demandons que le Reichsrath de Vienne ait moins d’attributions et de moins étendues ; que la Diète de Bohême en ait plus et de plus importantes. Et pour ce qui est de ce Parlement central ou Reichsrath, nous demandons que, pour premier gage de justice, on revienne au Reichsrath d’avant 1873, composé de députés choisis par et parmi les Diètes de pays. »

C’est là, autant qu’on peut le toucher en lisant ce qui s’imprime et en écoulant ce qui se dit, le fond des revendications de la Bohème, dans lesquelles tous les partis politiques, toutes les classes sociales de race tchèque sont unanimes, fermes, inébranlables : le baron Rieger, retiré dans sa terre de Maletch, professe sur le point capital une doctrine sensiblement pareille à celle de M. Grégr ou de M. Herold ; le prince Frédéric Schwarzenberg