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programme, en effet, ne contient rien, ou presque rien, de ce qui fait, dans les Parlemens d’Occident, le fonds commun du programme des extrêmes gauches. Il poursuit bien l’extension du droit de suffrage jusqu’au suffrage universel, sous la réserve que l’aspirant électeur sache lire et écrire en magyar (la restriction a son importance dans un pays de plusieurs langues), et l’abolition d’un cens mal établi et trop variable, suivant lequel il y a des comitats ou départemens où l’on ne vote pas en payant 15 florins d’impôt, et d’autres où l’on vote en ne payant que 80 kreutzers. Ce parti extrême veut, d’une manière générale, l’amélioration du sort des humbles, des ouvriers de la ville et des champs ; mais quel parti ne la veut pas ? et en quoi la vouloir distingue-t-il un parti d’un autre ? A l’extrême gauche un seul titre conviendrait : parti de l’indépendance ou de 1848.

« Parti de l’indépendance : nous voulons, explique M. François Kossuth, que les droits de la Hongrie soient pleinement respectés et que la Hongrie se développe librement, à côté, mais indépendamment de l’Autriche. Nous voulons que l’Autriche et la Hongrie suivent chacune ses destinées particulières ; qu’elles n’aient de commun que le souverain, dans une union strictement personnelle ; qu’elles soient unies sur la tête de François-Joseph et de ses successeurs, comme la Suède et la Norvège sur la tête du roi Oscar (mais non, ce n’est pas là une union strictement personnelle), comme le Luxembourg et la Hollande, il y a quelques années, sur la tête de Guillaume Hl d’Orange-Nassau. Nous voulons que, pour le reste, la Hongrie ait sa diplomatie à elle, son armée à elle, ses finances à elle seule ; qu’elle soit, en un mot, ce qu’elle n’est pas : une nation de plein exercice. »

Ainsi pense et s’exprime le fils du dictateur, depuis qu’il est rentré dans son pays, y rapportant pieusement les cendres de son père ; ainsi, secondé, conseillé, et de temps en temps sans doute contredit par M. de Justh, — Saint-Justh, risquent les mauvais plaisans de Budapest, — il travaille à faire penser et s’exprimer l’extrême gauche, le parti de l’indépendance.

Mais dans ce parti même, il se rencontre des gens pour dire qu’élevé à l’étranger, en Italie, dans le voisinage de la cour piémontaise, il a acquis, de par son éducation, un vague sentiment monarchique, lequel d’instinct, et à son insu, s’est étendu de la maison de Savoie à la maison d’Autriche. Et tandis que les uns le blâment d’avoir, grisé par le triomphe des funérailles paternelles,