avant le comte Badeni, avaient déjà essayé : la Bohème ne s’en était point contentée ; elle n’avait point désarmé ; et, en tout cas, le concours du groupe tchèque n’était plus à ce prix.
Mais donner à ce groupe un commencement de satisfaction nationale, c’était du même coup s’aliéner le gros des Allemands, dont les intérêts ou les prétentions sont en antagonisme direct avec les siens ; c’était abandonner la politique traditionnelle, la politique classique de l’Autriche, qui jusque-là, sauf de timides et rares expériences, avait été allemande ; et c’était enfin, — les exigences et les forces des Tchèques ayant grandi, — inaugurer dans l’Empire une politique slave. Pour cette politique nouvelle, il allait de soi qu’on pouvait compter sur les sympathies de tous les groupes de nationalité slave, du nord ou du sud, Ruthènes, Slovènes, Croates et Serbes du littoral adriatique. En termes plus généraux encore, on pouvait espérer l’aide de tous les groupes de nationalité non allemande ; mais on pouvait être sûr aussi que le pacte de fidélité se conclurait donnant donnant, et que l’aide ne serait pas gratuite. Or, comme le choix ne se limitait pas aux Allemands et aux Slaves ; comme, en négligeant même les Roumains, il restait par surcroît des Italiens qu’on ne pouvait négliger, ce n’était pas seulement une politique slave que l’on substituait à la politique allemande, mais bien une politique à tendances fédéralistes qui remplaçait l’ancienne politique à tendances centralistes pour les dix-sept Pays de la Cisleithanie.
Cependant, lorsque, le rappel battu dans tous les coins de la Chambre, on faisait le pointage, homme par homme et voix par voix, de ces unités non allemandes, à supposer qu’il n’y eût jamais ni d’absences, ni de défections, il s’en manquait encore d’une voix qu’une majorité fût constituée : on n’arrivait qu’à 212 députés sur 42[1]. De nécessité absolue il fallait donc détacher d’un des groupes allemands quelques auxiliaires : c’est ce que voulut faire le comte Badeni, en présentant son ministère comme un ministère de droite. Les Allemands du groupe clérical et conservateur, soit qu’ils ne se sentissent point menacés en tant qu’Allemands, soit que, plaçant au-dessus de tout leurs principes conservateurs, ils vissent là une occasion de vendre chèrement leur concours et de lier le cabinet en le servant, plus ou moins hésitans, plus ou moins défaillans, se rangèrent, en partie et par intermittences, derrière
- ↑ Ce n’était pas même la majorité simple de la moitié plus un : où prendre la majorité des deux tiers que le règlement exige pour certains votes ?