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LE DÉSASTRE.

aux commissions de perquisitions réunies à l’hôtel de ville, que le produit de leurs opérations serait versé, non aux greniers de la ville, comme on l’avait dit, mais aux magasins militaires. Grand tapage, d’autant plus que le gouverneur avait annoncé le départ prochain de l’armée et le bombardement inévitable qui suivrait, en ajoutant : « On devra dès lors s’attendre à des choses effroyables ! »

— Hier, reprit Décherac, Coffinières a appris par lettre au conseil municipal l’affreux état des ressources de la ville et de l’armée. Là-dessus, indignation, stupeur de ces messieurs exprimant par une adresse au gouverneur leur douloureux étonnement. Coffinières a répondu aujourd’hui par une reconnaissance du Gouvernement de la Défense nationale. Les manifestations durent encore !

Il ajouta :

— Les femmes de Metz, qui ont été si admirables pour nos blessés, se montrent les plus excitées. Les gardes nationaux sont en effervescence ; en ce moment même, ils demandent à Coffinières de monter la garde dans les forts ; leurs députés vont offrir à Changarnier de se mettre à leur tête. « Nous sommes trahis, vendus ! » disent-ils. On a déposé une couronne d’immortelles sur la tête de la statue de Fabert, on a mis un drapeau dans sa main. Coffinières en a assez, il donne sa démission.

— C’est une pétaudière, dit Massoli. Si j’étais gouverneur de Metz…

Décherac le regarda bouche bée. Il avait, le jour de sa blessure, le 31 août, quitté un Massoli aux cheveux cirage, et le Massoli qui lui parlait avait les cheveux complètement blancs. Son étonnement fit rire.

Le 15, le 16, l’attente et l’inaction consumèrent Du Breuil. Dimanche lugubre, dans sa chambre. Judin, par bonheur, venait le voir. Metz se calmait un peu. Le maréchal, n’ayant trouvé personne qui voulût remplacer Coffinières, l’avait forcé en termes aimables à reprendre sa démission. « L’un et l’autre, lui écrivait-il. nous avons fait dans l’esprit des règlemens tout ce qu’il était possible de faire. » L’esprit des règlemens ? Allons donc, la lettre morte ! Oser parler de vaines formules, quand la vie d’une armée, le salut d’une place de guerre sont en jeu ! Du Breuil, d’ailleurs, était las d’entendre parler de la ville, dont les griefs, à la longue, l’irritaient. N’était-ce pas l’armée, après