que le prince de Bismarck ne se serait certainement permis de le faire. Mais quelle réponse à la lettre du comte de Robilant !
L’article de la Nuova Antologia ne se borne pas à la publication de cette lettre, et aux observations, un peu différentes des nôtres, qu’elle inspire à M. Frassati. Il contient encore quelques révélations d’un autre genre, peut-être plus contestables, et elle indique des tendances qui, étant communes à un grand nombre d’Italiens, méritent d’être signalées. On peut penser ce qu’on voudra de la Triple Alliance, et conclure qu’elle est pour l’Italie un bien ou un mal ; mais, si c’est un mal, il est considérable ; et si c’est un bien, il est insuffisant. M. Frassati poursuit une autre alliance, celle de l’Angleterre, ni plus ni moins ; et il affirme que, dès 1887, une convention avait été conclue entre les deux pays en vue de maintenir le statu quo méditerranéen. M. Frassati ferait assez bon marché de l’alliance de l’Allemagne et de l’Autriche, si on lui donnait celle de l’Angleterre. Il semble croire qu’un tel groupement pourrait, avec quelque agilité, faire contrepoids à tous les autres, les tenir en respect, et obtenir beaucoup des puissances qui les composent. La facilité, la liberté qu’on aurait conservées de se porter, soit dans le sens de l’Allemagne et de l’Autriche, soit dans le sens de la France et de la Russie, ne laisseraient que le choix des avantages à s’assurer. Cette conception est ingénieuse, comme tout ce qui vient d’Italie : est-elle bien pratique ? Il faudrait, d’abord, que l’Angleterre s’y prêtât. À peine l’article de M. Frassati avait-il paru qu’une note officieuse, publiée par les journaux de Londres, déclarait, à propos de l’arrangement de 1887, « qu’aucune convention de ce genre n’avait été conclue. » Elle ne l’a pas été alors, et il n’est pas probable qu’elle l’ait été par la suite. Beaucoup de choses, il est vrai, changent en Angleterre, ce pays de la tradition : nous doutons pourtant que nos voisins d’outre-Manche prennent d’ici à longtemps des engagemens qui les lient à un pays continental quelconque. Il y avait, sans doute, un peu de lyrisme de commande dans l’orgueil avec lequel M. Goschen proclamait naguère le « splendide isolement » de l’Angleterre, car cela voulait presque dire, à ce moment, que l’Angleterre se félicitait d’être mal avec tout le monde, et elle ne va pas jusque-là ; mais elle ne tient pas non plus à avoir des rapports trop intimes avec une puissance autre, au point de contracter avec elle des obligations étroites, et cela pour l’excellent motif qu’elle n’en a nul besoin. S’il y a, depuis longtemps déjà, un principe fixe dans sa politique extérieure, c’est celui qui consiste pour elle à garder son indépendance absolue, et à attendre les événemens avec sérénité. Aurait-elle