fermes, les plus immuables. Faut-il modifier l’opinion qu’on avait de lui ? Sa lettre de 1886 à M. de Launay pourrait certainement, si on s’en tenait au texte seul, jeter quelques doutes sur son exactitude. Elle contient, en effet, une véritable condamnation de la Triple Alliance. Elle est brusque, elle estrade, elle est mécontente et amère ; elle étonne, il faut bien le dire, de la part de son auteur ; mais elle est sans doute une exception dans sa correspondance, et n’exprime pas sa pensée de tous les jours.
Peut-être, aussi, ce qu’il y avait d’un peu trop subalterne dans la lettre à laquelle répondait le général de Robilant lui avait-il été, sur le moment, désagréable au point de le faire sortir des gonds. M. de Launay avait la docilité communicative : il s’efforçait du moins de la rendre telle. Rien ne lui paraissait plus simple, plus opportun, et surtout plus convenable, au mois de mai 1886, qu’une visite du comte de Robilant à l’empereur Guillaume Ier à Gastein. « Il ne viendrait à l’esprit de personne, lui disait-il, que vous faites des avances. Chacun trouverait naturel que, pour des exigences de famille, vous vous rendiez à Tœplitz, et que vous ne quittiez pas cette ville, — sachant que l’empereur d’Allemagne se trouve à Gastein, à une distance qui n’est pas très grande, — sans vous ménager l’occasion de saluer le Nestor des souverains, et notre allié. Vous pourriez, par une lettre datée de Tœplitz, en exprimer l’intention au chancelier, en ajoutant quelques mots pour marquer votre désir de rencontrer Son Altesse à la même occasion et dans le même lieu. » Et le comte de Launay continue longuement sur ce ton. Il assure que le procédé qu’il conseille serait le meilleur. « Cela vaudrait mieux, dit-il, que si je préparais moi-même la rencontre. Le chancelier aime et préfère que des hommes d’État dans votre position s’adressent directement à lui sans se servir d’intermédiaires. » Enfin, pour exercer une attraction encore plus grande sur son ministre, il lui fait entrevoir qu’un grand nombre de personnages considérables pourraient se rencontrer avec lui à Gastein. Ce serait un Erfurth au petit pied. On y verrait certainement l’empereur d’Autriche. « Peut-être que Kalnoky l’accompagnera, le précédera ou le suivra. » Le trait de la fin est le plus piquant lorsqu’on songe à ce qui s’est passé depuis : « Il ne serait pas improbable que M. de Giers se mit de la partie. »
Comment M. de Robilant a-t-il résisté à tant de séductions ? Mais le fait est là, il y a résisté. D’après sa réponse, on peut se rendre compte de l’impression qu’il a éprouvée à mesure qu’il avançait dans la lecture de la lettre de son ambassadeur. Son sang de gentilhomme s’est