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REVUE DES DEUX MONDES.

Les drapeaux de ma brigade n’iront pas à Berlin. » Est-ce parler, cela ? Tous les autres ont été conduits à l’Arsenal, au petit jour, par le chef d’état-major de l’artillerie, Melchior. J’ai vu passer le fourgon et l’escorte, un lieutenant et quatre sous-officiers à cheval. J’ai suivi. Il faisait à peine clair. Nous sommes entrés avec les premiers travailleurs. Ils ont allumé les fourneaux de la forge, et devant la compagnie d’ouvriers, quelques chasseurs et des voltigeurs qui se trouvaient là, on a déployé les insignes. Melchior a découpé les numéros des régimens, puis un adjudant à cheveux blancs, un vieux brave, a brûlé la soie, fait scier les hampes, marteler et couper les aigles. Il fallait voir ses mains trembler. Plus d’un, je vous jure, écrasait une larme. Alors je suis parti, le cœur à l’envers.

Du Breuil étreignit le bras de Carrouge.

— Et les autres, murmura-t-il, les autres drapeaux ? Est-ce qu’on les brûle ?

— Ma foi, dit Carrouge, je suppose…

Du Breuil gardait une inquiétude. Il fit part à Carrouge de la confidence du capitaine de Verdier, l’ordre de conserver les drapeaux et de les inventorier.

— Il faut se méfier de tout, dit Carrouge. Allons à l’Arsenal.

Au coin du temple des protestans, ils rencontrèrent Barrus, hors de lui.

— Savez-vous ce qui se passe ? dit-il. On astique, on fourbit, on répare. Au lieu de ne rendre à l’ennemi qu’une place démantelée, un matériel hors de service, on met tout en ordre, on compte jusqu’au dernier clou. Un ingénieur civil vient d’être appelé pour remettre en état une pièce de gros calibre endommagée par un boulet prussien. Et dire qu’il y a deux jours, nous hissions encore des canons sur les remparts…

— La capitulation est signée. On livre tout demain, à midi, fit Du Breuil.

Barrus devint extrêmement rouge. Ses idées affluaient avec une violence telle que les mots, étranglés, ne pouvaient sortir. Soudain, le flot jaillit :

— C’est un crime de laisser intactes les fortifications de la place et du camp retranché ! La science donne tous les procédés de destruction. En ruinant les forts, les écluses, l’enceinte, les bâtimens militaires, nous privions l’ennemi d’un point d’appui presque imprenable. Il ne trouvait ni locaux pour ses garnisons,