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dans toute la chrétienté peuvent limiter cette puissance par des Conciles, Napoléon aura enfin achevé son œuvre. C’est sur ces bases que l’évêque de Nantes engagea aussitôt avec le Pape les pourparlers.

Le Pape, toujours privé de conseillers et de nouvelles, n’avait, pour remplir le vide de sa vie, que ses craintes accrues par l’incertitude. Son âme demeurait meurtrie des accusations impériales. Il avait toujours devant les yeux ces diocèses sans pasteurs, ces générations que l’ignorance, la haine religieuse, l’indifférence, plus mortelle en ses profondeurs calmes, allaient entraîner et perdre. Il se demandait s’il n’était pas cause de ce mal, s’il n’avait pas trop défendu les droits de l’Église, si, lui, le guide, n’égarait par suite toutes ces consciences dont il était responsable. Alors, seule tentation capable d’atteindre une âme si haute, il se sentait sollicité de sacrifier à cette paix des âmes, ses États, sa couronne, tout ce qui était pour lui avantage et honneur. Comme à Savone, quand la responsabilité d’un parti à prendre se dressa devant lui, il tomba malade, et le 13 janvier, l’évêque de Nantes écrivit à l’Empereur que, pour ménager les forces du Souverain Pontife, il allait suspendre ! les négociations. Napoléon semble n’attendre que cette nouvelle pour donner de sa personne contre l’adversaire affaibli. Le 18 janvier, il paraît soudain à Fontainebleau, fait subir un assaut de cinq jours à l’âme éperdue de Pie VII, le 25 janvier les préliminaires de Fontainebleau sont signés. Le Pape a maintenu son indépendance doctrinale, en repoussant les libertés gallicanes, et l’autonomie de son gouvernement spirituel, en gardant pour lui seul la nomination des cardinaux. Mais il confirme son bref relatif aux investitures épiscopales, il abandonne le pouvoir temporel, et consent à la translation du Saint-Siège en France. Tout, cette fois, semble consommé ; mais un mot encore, que l’Empereur n’a pu effacer, conserve à l’Église les droits qu’elle abandonnait. Le Pape n’a signé que « des accords devant servir de base à un arrangement définitif. « Et cet arrangement doit être conclu avec l’assistance des cardinaux « noirs », que Napoléon rend à leur souverain. Ces prisonniers de la veille savaient le danger du courage, pourtant ils n’hésitèrent pas. Quand ils virent le projet de traité, ils dirent à Pie VII, comme son prédécesseur avait dit à Louis XVI, que souverain il n’est pas libre de céder ce qui appartient à Dieu. Eclairé sur le devoir, le Pape n’hésite pas plus qu’eux : il écrit à Napoléon la lettre admirable