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prérogative ; maintenant, pour obtenir le consentement du Pape, on lui présente le Concile comme prêt à passer outre. Pie VII, investi par cette intrigue, mis en sécurité par l’accord des cardinaux qu’il croit fidèles, reconnaissant envers ceux qui le trompent, signe, le 20 septembre 1811, un bref où il accorde tout ce que demandait le Concile. Cette fois le juste s’est livré lui-même, l’unité de la hiérarchie est brisée par son chef.

C’est ici qu’il faut admirer comment le droit abandonné se maintient parfois dans le monde. Il n’est plus défendu par la résistance du Pape, il va l’être par l’excès de l’ambition impériale. A peine Napoléon a-t-il une partie de ce qu’il demandait, ce qu’il n’a pas encore obtenu lui paraît seul nécessaire. Nommer les évêques est, tout pesé, un médiocre avantage : ne vient-il pas de constater combien peu sont à lui ceux qu’il a faits et crus siens ? La délivrance du Pape, qu’ils ont presque demandée durant le Concile, va leur sembler la conséquence nécessaire des concessions accordées par Pie VII ; si malgré elles il est retenu, il paraîtra à tous les catholiques une victime ; si, sans autres garanties, il retourne à Rome, entouré par les cardinaux et les ambassadeurs des puissances catholiques, il redeviendra indépendant, donc dangereux. Mieux vaut perpétuer le conflit qui donne prétexte à retenir le Pape. Voilà pourquoi Napoléon, après avoir reçu le bref, ne voulut ni s’en servir ni le publier. Il ordonna aux négociateurs qui croyaient avoir droit à ses remerciemens de rester à Savone et d’y imposer la paix totale, la seule qu’il voulût désormais. Ici encore il se heurta aux bornes de l’obéissance sacerdotale. En ces cardinaux italiens comme en ces évêques français, la conscience cédait tant qu’elle trouvait à se leurrer d’un prétexte ; mais à des prétentions qui détruisaient le pouvoir temporel et amoindrissaient l’autorité spirituelle, ils ne pouvaient adhérer sans devenir manifestement traîtres à leur devoir, et, quand le Pape refusa de céder les droits essentiels de l’Église, ils se turent.

L’Empereur n’a donc plus à compter que sur lui seul pour vaincre Pie VII. Il prélude à ce combat singulier par un redoublement de dédains et de duretés. Faute de dignitaires ecclésiastiques, le préfet de Savone a charge de reprocher au Pape « la honte de son ignorance » et de lui demander pourquoi « incapable, il ne se démet pas[1]. » Dans cette nouvelle violence rien

  1. Note de l’Empereur, 9 février 1812.