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de l’Église universelle ; l’épiscopat de tous les pays fût-il réuni, le Concile ne serait pas œcuménique s’il n’est reconnu pour tel par le Pape. La doctrine, se dégageant des intrigues, s’impose de plus en plus claire, à mesure que les débats se prolongent. Le 10 juillet, elles ont vaincu ; il est certain que le Concile va se déclarer incompétent pour établir dans la discipline de l’Église les changemens attendus par Napoléon. Il faut que celui-ci, pour prévenir cette défaite, dissolve le concile et jette à Vincennes les trois évêques les plus fermes. C’est sous le coup de cette violence qu’il poursuit auprès des autres prélats, rendus à la faiblesse de leur isolement, et pris un par un, leur conversion à la théologie impériale ; selon le mot trivial du cardinal Maury, qui aide à la besogne, « ce vin mauvais en cercle sera meilleur en bouteilles ». En un mois, tous les évêques moins treize sont venus l’un après l’autre déposer leur nom au bas du texte préparé par Napoléon. Le 5 août, on rappelle le Concile pour une séance dernière. Il écoute la lecture de la capitulation signée d’avance, la vote sans une parole, et se disperse comme si chacun avait hâte de cacher aux autres la honte de ce qu’il a consenti. Et pourtant, même dans cette capitulation, il y a une réserve. Le décret porte que, si le Saint-Siège différait pendant un an d’investir les évêques choisis par l’Empereur, ceux-ci pourraient recevoir des métropolitains ou des plus anciens évêques l’investiture. Mais, pour obtenir la plupart des signatures, il a fallu ajouter à l’acte que le décret du Concile serait soumis à l’adhésion de Pie VII. C’était rendre à celui-ci le dernier mot sur l’abandon de ses droits, et l’effort fait pour se passer du Pape aboutit à un appel à la Papauté.


Le clergé de France avait déçu les calculs de l’Empereur. Aux premiers indices d’une lutte contre Rome, les prêtres avaient fait défection ; les évêques s’étaient laissé arracher leur concours plus qu’ils ne l’avaient donné, et s’il fallait pousser plus à fond la guerre, ils ne suivraient pas. Une fois de plus le maître devait, pour persévérer en ses ambitions, modifier sa tactique. Par un changement de front semblable à celui qui avait porté soudain sur le Danube l’armée réunie au camp de Boulogne, il cessa de compter sur son Église gallicane, dispersée aux premiers vents comme sa flotte de 1805, , et se résolut à un rapprochement avec l’Église romaine. Puisqu’il ne pouvait l’abattre, il ne lui restait