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épreuve plus dangereuse que les supplices des premiers chrétiens, et longtemps « exposés aux antichambres ». L’assemblée délibère sous la présidence du cardinal Fesch, sous les yeux de ministres qui exposent les volontés de l’Empereur, et lui rapportent la conduite de chacun. Les réponses mêmes du Concile sont préparées d’avance et lui sont suggérées par les prélats qu’on sait être les porte-paroles de l’Empereur. Tout a été prévu, sinon que, dans les assemblées les plus épurées, le courage de quelques-uns peut survivre et rappeler le devoir ; que les hommes réunis ont parfois une vertu collective supérieure à leur nature habituelle ; qu’en des évêques même faibles la sincérité de la foi affermit plus aisément cette constance, et que l’excès des précautions prises pour contraindre leur témoignage est fait pour révolter leur conscience. Surprise soudain dans sa quiétude par cette captivité du Pape, cette colère et ces ordres de l’Empereur, elle n’a pas eu le temps de se tromper elle-même. La complicité qu’on attend d’elle dépasse la mesure des complaisances ordinaires ; elle a la révélation d’une crise religieuse où l’Église est en péril et où il n’appartient pas aux évêques d’achever le Pape blessé. La solennité même de leur assemblée les instruit : leur premier acte, le serment, qu’à l’exemple de précédons conciles, ils viennent l’un après l’autre prêter sur l’Evangile, lie leur fidélité au siège romain. Le sermon d’ouverture, faible écho du discours prononcé en 1682 par Bossuet, sur l’unité de l’Église, emprunte aux événemens une éloquence de courage, qui de l’orateur se répand sur l’assemblée. A sa première séance, peu s’en faut que, sur la proposition d’un de ses membres, elle ne se rende tout entière aux Tuileries pour implorer de l’Empereur la liberté du Pape. Elle n’accepte des déclarations de 1082 que les parties les plus favorables à la suprématie pontificale. En vain l’adresse gallicane que l’évêque de Nantes propose de voter à l’Empereur a été rédigée sous les yeux de l’Empereur, et l’évoque le laisse entendre : elle est modifiée à ce point que l’Empereur refuse de la recevoir et donne ordre au Concile de statuer uniquement sur les investitures. En vain, pour obtenir la solution qu’il veut, il fait savoir qu’elle a été acceptée par Pie VII : les évêques sentent croître leurs défiances. Si le Pape avait consenti, la déclaration du Concile serait superflue ; si le Pape n’a pas consenti, la déclaration du Concile sera inefficace ; composé comme il l’est, le Concile ne représente même pas l’épiscopat d’une nation, et un Concile national ne peut modifier la discipline