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l’abuser de leurs prières, de leurs remontrances, de leurs terreurs. À ce supplice, comme à la torture judiciaire d’autrefois, assistait un médecin ; mais tandis que le médecin des temps barbares avait pour devoir d’arrêter l’interrogatoire quand la faiblesse du patient devenait trop grande, le médecin du Pape, suborné aussi par l’Empereur, était chargé d’indiquer aux évêques l’instant où la victoire leur serait plus facile sur le Pontife à bout de forces<ref> Sur le médecin Porta et sur tous les détails de la lutte poursuivie par Napoléon contre la Papauté, consulter L’Église romaine et le Premier Empire, du feu comte d’Haussonville.<ref>. Dix jours de lutte avaient amené une de ces crises après lesquelles la volonté de Pie VII demeurait inerte et brisée comme son corps : les évêques furent avertis que l’heure était venue où le juste pouvait être livré par un baiser. Ils accourent, négocient avec les défaillances du malade, rédigent comme consentie par lui une note où il abandonne l’investiture, et aussitôt emportent à Paris l’adhésion passive qu’il ne leur a pas disputée. Il ne leur eût peut-être pas refusé davantage son nom au bas de l’acte, mais, par un excès de précaution, l’Empereur avait défendu qu’on signât rien. Délivré d’eux, le Pape redevient lui-même, proteste que la note n’exprime pas sa pensée, ne sera jamais acceptée par lui, et que, si l’on prétend se servir d’elle, il donnera un démenti éclatant.

Force est de recourir au Concile. Au silence, gardé jusque-là comme un secret d’État, sur le conflit entre l’Empereur et le Pape, succède soudain le retentissement public de leur querelle. La taire était utile tant qu’on espérait la concilier : il faut au contraire le scandale des griefs pour justifier la dépossession que maintenant on réclame contre la Papauté, et l’acte de foi gallicane qu’on demande à l’épiscopat comme gage de la rupture avec Rome. La lettre qui convoque le Concile, le message qui lui est lu dès sa réunion, dénoncent la conduite de Pie VII comme le péril de l’Église, et prescrivent nettement à l’assemblée les résolutions attendues par l’Empereur. Celui-ci a, comme à son ordinaire, pris ses mesures jusque dans les moindres détails. Le Concile, qui se réunit le 17 juin 1811, compte 95 évêques, à peu près tous ceux de France, pas la moitié parmi ceux de l’Empire, pas le tiers des évêques italiens. Il a écarté ceux qui ne tiennent pas de lui leur titre, ceux qu’il devine nourris de la doctrine romaine, il a appelé les prélats faits par lui, imbus par lui des doctrines françaises, soumis par lui, selon le mot de J. de Maistre, à une