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les délègue à un vicaire capitulaire. Que le chapitre donnât cette délégation à l’évêque nommé et non institué, les fidèles, ignorant à quel titre celui-ci administrait le diocèse, croiraient la vacance finie, et le Pape, quand il apprendrait plus tard cette possession intermédiaire, devrait l’accepter pour définitive. La manœuvre tentée réussit d’abord, et Maury qui se vantait de l’avoir suggérée y trouva aussitôt sa récompense. L’archevêque de Paris mourut, l’Empereur le remplaça par le cardinal, et celui-ci, muni des pouvoirs capitulaires, les exerça comme si plus rien ne manquait à son titre. Mais son attitude, et celle d’autres évêques installés de même, inquiète les chapitres : ils soupçonnent un subterfuge, et plus on semble se passer du Pape, plus ils veulent savoir si telle est la volonté du Pape. Des chrétiens courageux tentent de lui faire parvenir des informations, et leur dévouement, plus ingénieux que la police, réussit. Aussitôt le Pape répond par des brefs qui défendent aux chapitres de conférer aucun pouvoir aux évêques nommés et non institués, et, par une sentence plus sévère où l’usurpation a été plus audacieuse, il dépouille le cardinal Maury de toute juridiction[1]. Dès que ces brefs, transmis par des mains fidèles, parviennent dans les diocèses, les évêques nommés se dérobent, les chapitres leur refusent leurs pouvoirs, les prêtres leur obéissance. Le clergé inférieur maintient sans hésiter l’union qui durant la tourmente révolutionnaire s’est établie entre lui et le Saint-Siège. L’Empereur, doublement irrité parce que le secret de ses démêlés avec Pie VII devient public, déclare la fidélité des prêtres au Pape une coalition séditieuse. Pour la briser, il faut qu’il frappe à la fois l’Église à la base et au sommet : il abaisse sa colère jusqu’aux plus humbles victimes : chanoines, curés, desservans, peuplent les prisons où il les oubliera ; les ordres religieux qu’il avait tolérés par exception, et qu’il soupçonne d’avoir aidé à répandre subrepticement les bulles, sont dissous. L’isolement de Pie VII devient plus absolu, la surveillance autour de lui plus étroite, et l’Empereur lui réclame l’anneau du pêcheur[2], avec lequel se scellent les actes des Pontifes. C’est signifier au prisonnier que son autorité religieuse devient aussi captive, et le Pape, en remettant cet anneau après l’avoir fait rompre, avertit à son tour l’Empereur que le pouvoir spirituel, quand les pouvoirs terrestres le saisissent, se brise entre leurs mains.

  1. 18 décembre 1810.
  2. 14 mars 1811.