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gallicanes « que le roi tenait de Dieu sa couronne, et que rien n’avait pu dégager ses sujets du serment de fidélité[1]. » Eût-il reconnu ces évêques, le gouvernement républicain n’avait pas chance d’être reconnu par eux. Pas davantage, persécuteur de la veille, n’était-il en situation pour leur demander la renonciation à la dignité qui, maintenue contre lui, avait malgré lui perpétué la hiérarchie religieuse dans chaque diocèse. Moins encore avaient-ils compétence pour changer la circonscription de ces diocèses, c’est-à-dire l’étendue de leur autorité. Un seul pouvoir avait droit d’accomplir ce qui devenait nécessaire : c’était la Papauté.

Mais si la Papauté, à cette heure décisive, eût été encore la puissance que les traditions gallicanes avaient comme médiatisée, le Concordat eût-il été voulu par Napoléon, consenti par Pie VII, accepté par l’Église de France ? Tout devint possible parce que la révolution n’avait guère moins modifié la société religieuse que la société civile. Quelle réponse au gallicanisme que le Concordat ! Une race de rois avait cru s’assurer l’avenir en interdisant à la société religieuse tout contrôle sur leur gouvernement politique, et la société religieuse, pour sauvegarder son avenir, s’allégeait de cette race déchue comme d’un poids mort. Une Église trop complaisante à cette royauté avait prétendu amoindrir le pouvoir spirituel du Saint-Siège ; et le Saint-Siège, par sa seule volonté, changeait toute la hiérarchie de cette Église. Dans cette France que, selon un mot célèbre, les « évêques avaient faite comme les abeilles font leur ruche « , si un travail était leur œuvre, c’était la formation des diocèses, alvéoles où, dès les origines de notre nation, ils avaient transformé en miel la flore sauvage des races barbares ; malgré les plus vénérables souvenirs, ce monument spontané de la vertu française se trouvait de fond en comble détruit par une main de Pape. Si des évêques semblaient plus indissolublement unis à leur troupeau, c’étaient ces prélats français que la fureur révolutionnaire avait accablés de glorieuses épreuves et transformés en confesseurs de la foi : c’est à cet épiscopat tout entier que le Pape enlevait d’un coup juridiction. Les circonstances obligeaient le plus doux des pontifes à pousser presque jusqu’à l’excès, presque jusqu’à la cruauté, son magistère souverain, comme si une loi de

  1. 8 avril 1801.