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que la foi avait reconnu le pontife, le cœur s’émut pour l’homme ; ses souffrances, sa douceur, son âge, sa majesté, donnèrent des traits humains à cette grandeur morale, firent autour d’elle une légende de pitié et d’amour, et, tandis que le clergé français se voyait la patrie interdite, le Pape reprenait par sa captivité et par sa mort possession de la France.

Les ennemis de l’Église avaient accompli tous ces changemens. Ils croyaient assurer sa mort, ils n’avaient que modifié sa vie. Et si l’Église avait, en voulant servir la liberté publique, aidé au triomphe de ses ennemis, elle avait acquis, pour leur résister, deux forces : son indépendance du pouvoir politique et son union à la papauté.


II

Ces changemens étaient nécessaires aux nouvelles destinées de l’Église. Elles commencèrent avec le Consulat. Le grand capitaine, ici homme de la paix, voulait rendre habitable aux Français la France, mais la France telle que l’avait faite la guerre. Il offrit protection à l’Église, mais à la condition que l’Église entrât dans la société nouvelle, qu’elle reconnût le gouvernement établi, qu’elle renonçât à revendiquer ses biens acquis par les détenteurs des biens nationaux, qu’elle modifiât ses centres d’autorité, les diocèses, de façon à leur donner les limites des départemens, surtout que les chefs de ces diocèses, choisis par la République, datant de cette investiture, devinssent la garantie vivante de la réconciliation.

La volonté du Premier Consul suffisait pour engager l’État. Quelle autorité avait force et droit pour engager l’Église ? Le seul clergé qui eût une existence publique en France, le clergé constitutionnel, n’était pas reconnu par la masse des catholiques. Les chefs légitimes du clergé français, les évêques « non jureurs », ramenés près de leurs princes par une communauté d’épreuves qui semblait rendre solidaires le sort de l’Église et celui de la monarchie très chrétienne, avaient repris le joug de l’antique union avec cette royauté. Le premier bruit d’un rapprochement entre l’Église et le gouvernement consulaire inspira à ceux de ces prélats qui résidaient en Angleterre près du comte d’Artois une Déclaration sur les droits du roi. Ils y rappelaient, revenus eux-mêmes aux formules les plus absolues des maximes