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si soumis et qui partout laissa se perdre dans le vide la prétention de ses maîtres à lui imposer leur athéisme, ce clergé qui acceptait toutes les atteintes à ses intérêts et n’en acceptait aucune à ses croyances, tous, par leur premier espoir dans les réformes, par la générosité de leurs sacrifices, par l’énergie de leurs résistances, par l’exil, par la captivité, par la mort, défendirent la liberté.


Et ce long combat pour la liberté fut un constant désaveu des traditions gallicanes.

La sympathie du clergé pour les idées nouvelles au XVIIIe siècle avait été une première réaction contre certains abus du gallicanisme. Il n’en était pas de plus préjudiciable et de plus humiliant que le monopole des dignités et des biens ecclésiastiques maintenu par le prince, au dam du sacerdoce et des fidèles et au profit d’une noblesse altière et mendiante. Le désir de mettre fin à ce désordre ne fut pas la moindre des raisons qui, peu à peu, disposèrent la masse des ecclésiastiques à des changemens dans l’État. Elle n’espérait pas du prince ces réformes, elle les espéra de la nation. Reconnaître le droit du peuple à créer et à modifier son gouvernement, c’était revenir à la tradition doctrinale de l’Église universelle, mais c’était abandonner, des traditions gallicanes, la plus chère aux rois, celle qui leur attribuait une souveraineté absolue sur leurs sujets, et destinait ceux-ci à une obéissance sans fin.

Le second coup porté au gallicanisme le fut par la main royale. C’est l’orgueil très peu chrétien de la monarchie très chrétienne qui, jaloux de dominer seul dans un silence d’adoration, avait interdit à la papauté d’élever la voix sur les affaires publiques. Mais cet orgueil venait d’être humilié à toutes les dates et par tous les succès de la révolution : la contradiction, que les princes autrefois prétendaient étouffer même par delà les frontières de leurs États et de leur autorité légitime, était maintenant assise au siège même du pouvoir ; la loi, au lieu d’être la volonté d’un seul, ne pouvait plus se former que par un accord entre un vote de l’Assemblée et la sanction du roi. Appelé à signer la Constitution civile, qui n’était pas son œuvre et qui inquiétait ses scrupules de chrétien, Louis XVI ne voyait plus dans le pape un adversaire de son omnipotence, mais, au milieu d’incertitudes où son âme se sentait en perdition comme son pouvoir, un