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diverses. Ainsi le réalisme de la musique peut être, — et nous l’observerons d’abord, — ce qu’il peut y avoir dans la musique de vulgaire ou de trivial, de sensuel et presque physique seulement. Mais le réalisme en musique, ce sera encore, en un sens plus profond et plus glorieux, le rapport essentiel et sans lequel il n’est point d’art, de la musique avec la vérité. Sous plus d’un aspect, à son tour, l’idéalisme de la musique apparaîtra. Idéaliste par sa nature mathématique et métaphysique, la musique ne l’est pas moins par le sens auquel elle s’adresse. Elle l’est encore, et d’une manière qui lui est propre, par l’existence en elle d’un élément sans analogue ailleurs : l’idée musicale. Enfin la musique est idéaliste par son objet, lequel est surtout intérieur et par conséquent idéal. Et, cet idéal même n’étant que le sentiment ou l’âme, c’est-à-dire la plus réelle des réalités, la réalité par excellence, on aperçoit déjà par quel détour ou plutôt quel retour nous verrons se consommer dans la musique le partage et comme la transaction nécessaire entre le double besoin et la double nature de l’humanité.


I

Réaliste, j’entends par là triviale et vulgaire, il est évident que la musique peut l’être. Cette première acception du mot réaliste n’a rien que de légitime, certain réalisme n’étant que la manifestation, parfois la glorification de ce qu’il y a de plus extérieur et superficiel, de plus médiocre et de plus méprisable dans la réalité. De tout cela la musique peut se faire l’interprète. Elle peut ne mettre en lumière (lumière crue et violente) que les aspects les plus communs, voire les plus grossiers des choses, l’enveloppe et comme l’écorce rude qui les revêt, mais aussi les déforme, et qu’il faut percer. La musique, ainsi que la littérature, a ses genres secondaires et même bas. Il y a des feuilletons en musique, des mélodrames aussi, des vaudevilles ou moins encore, et de tel refrain d’opérette ou de café-concert, on peut se demander si l’air est le plus ignoble, ou si c’est la chanson. La même situation, le même personnage, que dis-je ? la même action ou le même mouvement physique inspire la plus exquise ou la plus triviale musique. Schubert et M. Lecocq ont écrit des chansons de postillon fort inégales. Tel ou tel « coucher de la mariée » dans les opérettes jadis en vogue ne ressemble que de très loin à