croire le général Weyler ? Il n’est malheureusement permis ni d’accepter, ni de repousser son témoignage. Bien qu’il ne se soit pas montré un militaire de premier ordre, on ne saurait nier qu’il n’ait procédé d’une manière méthodique, suivant le plan qu’il s’était assigné dès l’origine, et qu’il avait fait accepter par le cabinet conservateur. Il avait demandé deux ans pour mener sa tâche à bon terme : ces deux ans ne sont pas encore révolus. Les journaux de Madrid ont publié un rapport adressé par lui au gouvernement, et dans lequel il a établi un contraste saisissant entre ce qu’était l’île de Cuba lorsqu’il y est arrivé et ce qu’elle est maintenant. S’il n’a pas trop noirci les couleurs du premier tableau, peut-être a-t-il adouci, pour les rendre plus satisfaisantes aux yeux, celles du second. Il y a du vrai toutefois dans ses allégations. L’insurrection n’est pas encore vaincue, mais est très affaiblie, au moins dans les quatre provinces occidentales. Le général se faisait fort de l’abattre définitivement au printemps prochain. Ce qui est fâcheux, c’est qu’on ne saura jamais, puisqu’il est rappelé, s’il disait vrai, ou s’il se faisait illusion. En attendant, l’opinion publique a trouvé jusqu’ici les opérations bien longues ; elle a traversé des alternatives d’espérance et d’abattement ; M. Canovas seul semblait y échapper, et restait impassible. Il y a quelques mois, le parti libéral a cru l’occasion propice pour reprendre le pouvoir et il a fait, dans ce sens, une tentative à laquelle M. Canovas s’est prêté, ou a paru se prêter. Il a remis sa démission entre les mains de la régente. La reine Christine lui a demandé de rester aux affaires et l’a assuré de toute sa confiance. Elle a sans doute obéi à une opinion intime ; mais quand même cette opinion n’aurait pas été chez elle aussi ferme, que pouvait faire la reine ? Pouvait-elle provoquer elle-même les événemens qui se sont déroulés depuis lors et en assumer l’écrasante responsabilité ? Pouvait-elle, en remerciant M. Canovas de ses services, ouvrir la porte à toutes les complications que sa disparition devait faire naître ? La reine a eu raison de ne pas désavouer une politique qui avait un tel champion ; mais elle a eu raison aussi d’y renoncer par la suite. Bonne ou mauvaise, cette politique ne pouvait se soutenir que par l’homme qui l’incarnait ; elle ne valait quelque chose que par lui. Comment aurait-elle pu lui survivre ? Deux conditions auraient été pour cela indispensables, et elles ne se sont rencontrées ni l’une ni l’autre : un parti parfaitement uni dans une conviction inébranlable, et un chef capable d’en devenir le représentant incontesté. Or les conservateurs, dès le lendemain de l’assassinat de M. Canovas, ont présenté le plus triste spectacle de désorganisation, et les tentatives faites pour les grouper autour du général
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