de leurs sens insatisfaits, et que l’amour de Dieu n’est chez elles qu’une forme détournée de la « concupiscence », je ne dis pas que cela soit sans vérité : je dis que cela n’est pas sans quelque banale outrance et qu’on y sent un peu le poncif littéraire.
Et quant à Julie, ah ! comme M. Brieux nous l’a finalement gâtée ! Elle se résigne à son mari, en nous laissant entendre qu’elle ne tardera pas à prendre un amant. Ce trait, ajouté par M. Brieux, lui a probablement semblé fort et hardi, tout à fait digne du peintre implacable, désenchanté, qu’il a voulu être cette fois. Mais alors que devient la noblesse morale de Julie, ses idées naïvement intransigeantes sur l’amour, tout ce par quoi elle nous avait intéressés ? Elle déteste son mari parce qu’elle ne l’a pas choisi librement, parce qu’il lui a menti avant de l’épouser, et parce qu’elle s’est trouvée être sa femme, ou plutôt sa proie, sans seulement le connaître. Mais l’amant sur qui elle jette son dévolu, — un jeune homme que nous avons entrevu au deuxième acte et qui a bien l’air d’un sot prétentieux, — l’aura-t-elle choisi davantage ? Ne le prendra-t-elle pas pi)arce que le hasard le lui offre et que c’est lui, et non un autre, qui est l’ami de la maison ? Ne lui mentira-t-il pas en lui faisant la cour ? et lorsqu’elle deviendra sa maîtresse, le connaîtra-t-elle mieux qu’elle ne connaissait son mari avant la nuit de noces ? Et si l’amant ne lui fait même pas le plaisir abominable, mais sûr, qu’elle reçoit de son époux, continuera-t-elle indéfiniment ses expériences ? En réalité, les conditions que Julie et ses pareilles veulent au mariage sont presque impossibles à réunir toutes. Il y faudrait une société parfaitement oisive et sans besoins, un monde idéal de cours d’amour. Les époux ne se connaissent presque jamais avant le mariage, et se connaissent rarement après. Beaucoup s’en accommodent ; il n’est pas nécessaire de se comprendre à fond pour se supporter ; un malentendu qu’on n’approfondit pas peut durer toute une vie sans trop de gêne. L’objet du mariage n’est pas de faire vivre les gens dans de perpétuelles délices. Un seul cas rédhibitoire : la répugnance physique ; et Julie avoue qu’elle ne l’éprouve pas toujours. Ces minutes un peu vives, qu’elle déteste, n’en sont pas moins une façon de dédommagement à son triste sort, et lui seraient, — si, après les avoir accueillies, elle ne se croyait obligée de les abominer, — comme une préparation à une entente d’une autre sorte avec son mari. Car, il n’y a pas à dire, ces minutes la font sa complice ; et, si elle avait le cœur mieux placé, elle voudrait aimer son mari, puisque c’est le seul moyen qu’elle ait de ne pas rougir d’elle-même. Et elle y arriverait. Le rôle de la volonté dans l’amour est considérable. En tout cas, je le répète, puisqu’elle se propose