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comme impôt : si elle donne des profits dans certains districts, dans d’autres elle crée de lourdes charges, et il en résulte une inégalité flagrante. Dans maintes provinces, le système Van den Bosch provoqua les souffrances de la population, ici parce que le sol était peu propre aux cultures qu’on voulait introduire ou s’épuisait à la longue, là parce que le salaire était trop bas pour la somme de travail exigée, ailleurs parce que les habitans ne pouvaient suffire aux corvées.

Mais ce qui ouvrit surtout les yeux sur les vices de la culture forcée, ce fut l’effroyable désastre qui éclata en 1849, sous l’administration du gouverneur général Rochussen. Depuis l’inauguration du système Van den Bosch, on avait pratiqué à outrance la politique du boni : il fallait de l’argent, et toujours de l’argent, et à cette constante préoccupation étaient aveuglément sacrifiés les intérêts de la colonie. Pour satisfaire les insatiables besoins du Trésor de la métropole, les Javanais étaient obligés de négliger leurs propres cultures pour celles des produits destinés au marché européen ; la culture de l’indigo épuisait leurs champs ; celle du tabac entravait les secondes récoltes ; celle de la canne à sucre astreignait une grande partie de la population aux manipulations de fabrique qu’exige ce produit avant de pouvoir être livré au commerce. Le gouverneur Rochussen, comprenant mieux que ses prédécesseurs les intérêts de la colonie, aperçut le danger qui pouvait résulter de l’abus des cultures forcées : tout en pourvoyant le marché européen, les indigènes s’appauvrissaient, et les nécessités ordinaires de la vie pouvaient leur manquer, si l’on ne réagissait contre la tendance à ne considérer que les intérêts de la mère patrie. Mais les avertissemens de Rochussen ne furent pas écoutés, et les ordres qu’il donna aux résidens ne furent pas suivis. Les indigènes, pour acquitter l’impôt foncier qu’on élevait à mesure qu’ils s’appauvrissaient, étaient réduits à vendre leurs buffles, sans lesquels ils ne pouvaient labourer leurs champs de riz. Enfin, ce qui mit le comble à leur misère, ce furent les lourdes corvées des travaux de défense qu’on exigeait d’eux en sus des cultures forcées. Pour ériger à Sourabaya et à Samarang les inutiles fortifications qui entraient dans le système de défense projeté par Van den Bosch, on fît venir de toutes les parties de l’île d’innombrables travailleurs qui, éloignés de leurs champs, négligèrent la culture du riz. La récolte manqua, les moyens de subsistance firent défaut, et la plus fertile colonie du monde éprouva les horreurs de la