tête[1]. On exigeait de Java un boni plus élevé d’année en année, et par suite on pressurait de plus en plus l’indigène. Indépendamment de la culture forcée, on lui imposait une foule de services personnels qui souvent n’étaient pas même rétribués, et on en vint à exiger de lui le maximum de sa force d’endurance, car, pour obtenir un boni toujours croissant, il fallait mettre en œuvre toutes les forces vives dont on pouvait disposer.
Van den Bosch comprit que la réalisation de ses plans n’était possible qu’avec la coopération des chefs indigènes. Pour les gagner à ses idées et stimuler leur zèle, il leur allouait tant pour cent ou des primes sur la quantité des produits livrés. La domination absolue des chefs sur le peuple était la clé de voûte du système des cultures forcées : il fallait donc s’assurer leur connivence en fortifiant leur puissance. Aussi Van den Bosch alla-t-il plus loin dans cette voie que ses prédécesseurs, qui déjà avaient rendu aux régens leur ancien prestige dont ils avaient été dépouillés sous l’administration anglaise. C’est par les régens qu’on pouvait tout obtenir des indigènes : pour les rehausser aux yeux du peuple, il fallait leur procurer le moyen de tenir un luxe princier en leur donnant une large part de bénéfices et en les intéressant ainsi à encourager la production. On peut penser si ces régens, habitués à traiter en parias leurs sujets qu’ils considéraient comme des êtres d’une caste inférieure, s’inspiraient de l’exemple du gouvernement pour s’enrichir aux dépens du peuple et pour se livrer à toutes sortes d’exactions et d’abus de pouvoir, sur lesquels il fallait bien fermer les yeux. En sorte que si le système de culture était une source de richesses pour les chefs, c’était au détriment du bien-être des indigènes. Si encore les habitans des villages avaient pu choisir librement les chefs de dessa, mais ce droit même leur était refusé : comme les chefs de dessa étaient, dans l’organisation du système de culture, les instrumens du gouvernement, il fallait écarter ceux qui n’étaient point de connivence avec lui. Deventer[2] assure qu’on punissait à coups de rotin ou qu’on privait de leur emploi les chefs de dessa qui n’obtenaient point une production suffisante. Il en résultait un honteux trafic dans les offices de village, et l’on vit placés à la tête des dessas d’anciens domestiques ou des valets