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élevée. On a proposé aussi d’accorder aux indigènes la faculté de racheter l’obligation de la corvée ; mais il a fallu renoncer également à ce système, de peur que les chefs ne fussent tentés de garder pour eux le prix du rachat, et d’imposer le travail forcé à d’autres possesseurs du sol[1].

Outre les corvées dues à l’Etat, il y a les corvées dues à la commune ou à la dessa, qui ne sont ni les moins nombreuses ni les moins lourdes. Le contrôleur Schmalhausen cite le cas d’un indigène qui se plaignit courageusement de ce que les corvées exigées de lui par la dessa proportionnellement à la part de terre qu’il possédait étaient tellement écrasantes, que s’il n’était pas fait droit à ses griefs, il était prêt à abandonner sa possession à la dessa. L’enquête qu’institua le contrôleur à la suite de cette plainte lui démontra que le nombre de corvées communales s’élevait, dans certaines dessas, jusqu’au chiffre de 224 par année[2].

Il s’est trouvé deux hommes qui ont admirablement compris le parti qu’ils pouvaient tirer de la corvée pour faire fructifier la colonie, au plus grand avantage de la métropole : ces hommes providentiels furent deux soldats, le maréchal Daendels et le général Van den Bosch ; avec leur génie militaire ils enrégimentèrent les milliers de Javanais en une innombrable armée de corvéables. C’est du régime des corvées qu’est né le fameux système connu sous le nom de cultures forcées, qui forme une des plus curieuses pages des annales coloniales dans les temps modernes. On croit généralement que ce système fut inventé par le général Van den Bosch ; mais le maréchal Daendels en avait déjà fait un premier essai. On peut dire que l’histoire économique des Indes Néerlandaises est celle de l’administration de ces deux gouverneurs, car, tout en employant des moyens bien différens, l’un procédant par la force et la terreur, l’autre à coups de lois et d’arrêtés, ils visaient au même but, et si leur système repose sur des principes condamnables, il faut bien reconnaître qu’ils furent les fondateurs de l’empire colonial des Hollandais ; leurs noms sont liés au nom même de Java.

Daendels, que les populations javanaises désignent aujourd’hui encore sous le nom de « maréchal de fer », gouverna l’île de 1808 à 1811, au nom de Louis-Napoléon, alors roi de Hollande. Couvrir le pays de routes, afin de mieux le tenir en respect en

  1. Van der Lith. Nederlandsch Oost-Indié, t. II, p. 275.
  2. Van lier Lith, ouvr. cité. t. Il, p. 276.