Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si défectueux que soit le système, les Hollandais l’ont conservé, afin de ne point paraître bouleverser les institutions du peuple javanais. Autrefois la propriété appartenait au prince ; le gouvernement hollandais s’est simplement substitué au prince, et il a gardé la propriété de toutes les terres de Java, le domaine éminent. Ce système a pour corollaire les corvées, ou journées de prestation que les indigènes payaient jadis au prince en guise de loyers des terres qu’ils occupaient à titre d’usufruitiers. La corvée est le droit du prince de réquisitionner le travail personnel de ses sujets, sans aucun salaire, pour la construction des routes, des digues, des ponts, des canaux, pour la surveillance et l’entretien de ces ouvrages, pour le service postal et autres services publics. Le nombre des journées de corvée pouvait s’élever autrefois jusqu’à un maximum de 52 par année. Les Hollandais se sont efforcés d’atténuer graduellement la rigueur d’un régime dont ils comprenaient l’odieux : à cet effet, le gouvernement réglementa la durée des corvées, et prescrivit que les ordonnances relatives à cet objet seraient revisées tous les cinq ans. La durée et la nature des corvées varie dans les différentes provinces : en 1893 cette durée a été réduite à 42 jours dans certaines résidences, à 36 jours dans d’autres, et même à 24 jours dans quelques-unes[1]. Les règlemens limitent la journée de corvée à douze heures, y compris le temps de repos et aussi le temps que le corvéable met à se rendre de son habitation jusqu’au lieu du travail et à en revenir. Le corvéable ne peut, en aucun cas, être tenu de fournir son travail dans un lieu éloigné de plus de 8 paal (12 kilomètres) de son habitation. Pas plus aujourd’hui que sous l’ancien régime, le corvéable n’a droit à un salaire, mais il ne peut plus être tenu de fournir des instrumens de travail ou des matériaux qui sont sa propriété personnelle.

Depuis 1882, on a, dans certaines provinces, substitué à la corvée une capitation d’un florin par tête, et au moyen du produit de ces capitations on a augmenté les traitemens des chefs, eu manière d’indemnité. Récemment on a agité la question de l’abolition complète des corvées au moyen de l’augmentation de la capitation ; mais on a reconnu que la situation économique de la population ne permettait pas actuellement l’application de cette mesure, qui nécessiterait le prélèvement d’une capitation trop

  1. Regeerings Almanak, 1896, t. I, p. 148 et 149.