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s’installe au Kraton pendant quelques semaines : de fait il est le souverain par intérim, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu, de concert avec le gouvernement hollandais, au choix d’un successeur. Ce successeur n’est agréé que s’il concède tout ce qui lui est demandé. Et ainsi chaque changement d’empereur amène des concessions nouvelles. Et comme ces empereurs, entourés de deux ou trois mille femmes, succombent de bonne heure à leurs débauches, les concessions sont en raison directe de la fréquence des vacances du trône. Non content de se réserver le choix du prince, le gouvernement nomme et révoque les ministres dont il paye le salaire, il surveille l’administration du royaume, la police, la levée des impôts, le recrutement et l’armement des troupes, qui ne sont d’ailleurs que des troupes de parade absolument impropres à la guerre ; le gouvernement se réserve aussi la régie de l’opium, l’exploitation des forêts et des nids d’hirondelles, les droits d’entrée et de sortie. L’autorité des princes est limitée à leurs sujets indigènes ; quant aux Européens, ils sont sous l’administration directe des résidens établis dans les deux capitales des Vorstenlanden, et dont les palais sont protégés par de solides forteresses qui menacent les palais des soi-disant souverains. En compensation des concessions de territoire et d’autorité, le sœsœhœnan et le sultan reçoivent de larges indemnités pécuniaires, qui leur permettent de déployer, comme leurs ancêtres, le faste d’une cour orientale, de s’entourer de milliers de serviteurs et de maintenir leur dignité aux yeux du peuple. Cela leur suffit pour qu’ils soient parfaitement satisfaits de leur condition présente, et ils considèrent comme des marques d’honneur les titres et les décorations que leur confère la reine de Hollande. Les indemnités qu’ils touchent sont prélevées annuellement sur le budget des Indes ; elles s’élèvent à près de 1 300 000 florins, sur lesquels le sœsœhœnan touche environ les deux tiers et le sultan un tiers. Le sœsœhœnan., qui représente la vieille maison de Mataram, et dont la personne est considérée comme sacrée, exerce encore un grand prestige aux yeux du peuple javanais, et ce prestige s’étend même au delà des limites de son petit royaume. Tout en ne laissant à ces princes qu’un semblant d’autorité, la politique hollandaise, qui connaît le goût des Orientaux pour l’apparat, leur laisse la vieille organisation du cérémonial si compliqué de leurs cours ; elle les laisse se montrer à leurs peuples dans toute la pompe et la splendeur que déployaient leurs ancêtres ; elle a maintenu les