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pour éviter de nouvelles luttes, s’en remit à l’arbitrage des Hollandais, qui mirent fin à la dispute par une solution conforme à leur politique inspirée du principe : Divide ut imperes. Ils partagèrent le royaume en deux provinces, ce qui était le meilleur moyen d’affaiblir un puissant l’état : la plus grande des deux divisions forma la province de Soerakarta et resta en partage au sœsœhœnan ; l’autre division fut attribuée au frère de l’empereur, qui devint sultan de Djokjokarta. De ces deux princes descendent l’empereur et le sultan actuels. L’empereur porte le titre de sœsœhœnan, qui signifie « Sa Hautesse » ; il porte encore les titres de « clou du monde, commandant des armées, serviteur du miséricordieux, maître du culte, régulateur de la religion.) Le sœsœhaman est regardé comme le « frère aîné » du sultan. Voici, à ce sujet, un exemple assez typique des habiles procédés des Hollandais. Autrefois les deux souverains se rencontraient chaque année à Gavan, près de Djokjokarta ; l’entrevue se faisait en grande pompe et le sultan rendait hommage au sœsœhœnan en ôtant ses sandales et en s’agenouillant devant lui dans l’attitude de l’adoration. Mais comme cette cérémonie attirait un grand concours de monde, les Hollandais trouvèrent prudent d’y mettre fin. Pour amener le sultan à y renoncer, ils lui représentèrent qu’un prince qui rendait hommage à un autre ne pouvait être considéré comme véritablement indépendant aux yeux des Européens. L’année suivante, au jour fixé, le sœsœhœnan arriva avec l’apparat habituel, mais, à sa grande surprise, il trouva le sultan revêtu, contre tous les précédens, de l’uniforme militaire, assis à côté du trône, et fort peu disposé à accepter l’humiliant cérémonial. Il dévora l’insulte sans laisser paraître son dépit et cette entrevue fut la dernière. Les Hollandais avaient ainsi atteint un double but : brouiller deux princes qui jusqu’alors étaient unis, et mettre fin à une fête nationale qui attirait un trop grand nombre d’indigènes.

Les deux princes des Vorstenlanden n’ont plus que le vain simulacre de l’autorité dont jouissaient les puissans potentats qui opprimèrent pendant tant de siècles les populations javanaises : de concession en concession, ils se sont tellement dépouillés de leurs pouvoirs, qu’il n’y a plus qu’une nuance insensible entre le gouvernement soi-disant autonome des Vorstenlanden et le gouvernement exercé directement par les Hollandais dans les autres provinces. Quand l’un des princes vient à mourir, le résident