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Eh quoi ! tout est sensible !
Pythagore.


Homme, libre penseur ! te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant :
Chaque fleur est une âme à la nature éclose ;
Un mystère d’amour dans le métal repose ;
« Tout est sensible ! » Et tout sur ton être est puissant.

Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t’épie :
À la matière même un verbe est attaché…
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l’être obscur habite un dieu caché ;
Et, comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres !

1845.


En l’absence de preuves, il ne faut pas se fier à la date de 1845. Les Vers dorés formaient une suite de « sonnets mystagogiques » composés aux approches ou au sortir du premier accès de folie de Gérard de Nerval, en 1841, et exposés en conséquence à de nombreux hasards. Il en écrivit une seconde série, encore plus fumeuse, dans les intervalles de ses derniers accès, ceux de 1853 et 1854. Je ne saurais dire avec certitude à laquelle des deux appartient le beau sonnet qu’on vient de lire, non plus que celui qui va suivre.


Horus


Le Dieu Kneph en tremblant ébranlait l’univers.
Isis, la mère, alors se leva sur sa couche.
Fit un geste de haine à son époux farouche,
Et l’ardeur d’autrefois brilla dans ses yeux verts.

« Le voyez-vous, dit-elle, il meurt, ce vieux pervers.
Tous les frimas du monde ont passé par sa bouche.
Attachez son pied tors, éteignez son œil louche,
C’est le dieu des volcans et le roi des hivers !