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ESSAIS


DE LITTÉRATURE PATHOLOGIQUE


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IV


LA FOLIE. — GÉRARD DE NERVAL


DERNIÈRE PARTIE


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Œuvres de Gérard de Nerval. — Lettres et documens inédits.


I

La première fois que Gérard de Nerval aperçut son double[1], il fut saisi d’une grande angoisse. C’était la nuit, au poste. Deux amis étaient venus le réclamer, l’avaient emmené — il s’était vu les suivant — et il s’était néanmoins retrouvé sur son lit de camp. — « Je frémis, dit-il, en me rappelant une tradition bien connue en Allemagne, qui dit que chaque homme a un double, et que, lorsqu’il le voit, la mort est proche. » Il ne mourut pourtant pas, rencontra de nouveau cet étranger « qui était lui-même », et se demanda avec un mélange de terreur et de colère : — « Quel était donc cet esprit qui était moi et en dehors de moi ? » L’idée lui vint qu’au lieu d’être le double des légendes, cet autre Gérard de Nerval pourrait bien être le « frère mystique » des traditions orientales. Il n’explique pas autrement ce qu’il faut entendre par cette expression ; mais, à ne la prendre que pour une image, elle est, en ce qui le concerne, d’une justesse frappante. Gérard de Nerval a toujours eu deux moi, bien qu’il ne s’en soit pas

  1. Voyez la Revue du 15 octobre.