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Johns Hopkins ne se composa tout d’abord que d’une faculté de philosophie. C’est le nom sous lequel, aux Etats-Unis comme en Allemagne, on confond ensemble ce que nous distinguons en facultés des lettres et des sciences. Langues anciennes, c’est-à-dire hébreu, sanscrit, grec et latin ; — langues modernes : anglais, allemand, français, italien, espagnol ; — histoire, économie politique, philosophie, d’une part ; et, d’autre part, sciences mathématiques, physique et chimie, géologie, histoire naturelle, biologie, pathologie, tel fut donc le programme de l’Université naissante. Des « laboratoires » et des « séminaires » en furent les organes. La diffusion des méthodes en devint promptement le principal objet. Et les « résultats » ne se firent pas attendre, si, depuis vingt et un ans qu’elle existe, l’Université Johns Hopkins, à elle seule, n’a pas donné moins d’une centaine de professeurs aux autres Universités d’Amérique. Elle est devenue comme une espèce d’Ecole normale où se recrute le personnel de l’enseignement supérieur. Et c’est une preuve, s’il en fallait une, que les diplômes, les titres et les grades, sous le régime de la liberté, valent exactement ce que valent eux-mêmes les jurys qui les délivrent et l’idée qu’ils ont su donner d’eux. L’estampille de l’Etat de Maryland ou le patronage officiel du gouvernement de Washington n’ajouterait certainement rien au prestige de l’Université Johns Hopkins ; et je dirais « qu’elle ne doit qu’à elle seule toute sa renommée », — si ce n’était faire trop de tort à M. D. C. Gilman.

Elle est en effet ce que M. D. C. Gilman a voulu qu’elle fût ; et ce n’est pas assez de dire qu’il est le « président » de ce grand corps, il en est vraiment l’âme. On ne saurait, comment dirai-je ? non pas cacher, et encore moins dissimuler, mais envelopper sous une plus séduisante affabilité de manières une fermeté de caractère plus rare, ni mettre une plus féconde ingéniosité de ressources au service d’idées plus nettes, plus arrêtées, — et plus larges. Je voudrais pouvoir ici traduire et reproduire en entier le Discours d’ouverture (Opening address) qu’il prononçait il y a quatre ans, en 1893, à Chicago, pour l’inauguration du Congrès d’Enseignement supérieur. « La première fonction d’une Université, y disait-il, est la conservation de la connaissance : the conservation of knowledge » ; et d’un mot, on ne saurait faire plus clairement entendre que la condition même du progrès scientifique est le respect de la tradition. « La seconde fonction d’une Université, disait encore M. Gilman, est d’étendre ou de reculer les