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ne diminue pas leur mérite intrinsèque, auquel nous rendons volontiers justice, ni leur efficacité, qui peut être considérable à la veille des élections. Ils établissent le bilan de la situation, et c’est un travail qu’il est utile de faire périodiquement. Mais on aurait tort d’y chercher quelque chose de nouveau.

Les orateurs sont plus intéressans que leurs discours. Entendons-nous, pourtant : nous ne voulons pas faire croire que M. Mesureur l’est plus que ce qu’il dit. Mais ce qui est curieux comme symptôme, c’est que ce soit précisément lui qui porte la bonne parole en province au nom de son parti. Bien qu’il ait de la méthode dans sa manière de s’exprimer, il n’est pas orateur ; le grand souffle de l’éloquence n’est jamais passé par sa bouche ; il est dépourvu des dons extérieurs qui font de l’effet sur les foules ; et il ne rachète pas par des qualités exceptionnelles d’habileté et de finesse ce qui lui manque du côté de la puissance électrique. Il est seulement un homme de très bonne volonté, ce qui n’est peut-être pas assez dans les circonstances où se trouve aujourd’hui le parti radical socialiste. Ce parti vaincu, battu, qui cherche à se reformer dans l’opposition, qui court après ce que les Anglais appellent une plate-forme et ne l’a pas encore trouvé, aurait évidemment besoin de mettre en ligne ses premiers sujets. Que sont-ils donc devenus ? Que font-ils ? Qu’attendent-ils ? Comment expliquer leur réserve et leur abstention ? Il y a quelques mois encore, nous admirions leur prodigieuse activité. On ne voyait, on n’entendait qu’eux, et tout en réprouvant leurs doctrines, nous proposions leur conduite comme excellente à imiter. Mais les temps sont changés. M. Bourgeois se tait. Lui qui était parti si vaillamment, si bruyamment en guerre après la chute de son ministère, il est à peu près rentré sous la tente, il s’est cantonné dans une réserve d’où il ne sort plus. L’infatigable M. Jaurès, dont les immenses discours à la Chambre avaient paru exciter la verve, bien loin de l’épuiser, semble plongé à son tour dans des réflexions profondes. Il poursuit sans doute sur la vie paysanne une enquête qui s’est trouvée un peu insuffisante à côté de celle de M. Paul Deschanel. Quoi qu’il en soit, lui aussi garde le silence ! Il a laissé la parole à M. Millerand, qui n’en a pas abusé, et s’est contenté d’énoncer quelques règles de conduite en matière électorale, où l’on a retrouvé toute l’obscurité des oracles. Jamais le parti radical socialiste n’avait fait moins de bruit. On n’entend que le léger susurrement de la voix de M. Mesureur, qui passe pour un tribun farouche aux yeux de ceux qui ne le connaissent pas, mais qui, lorsqu’on l’approche, frappe au contraire par sa douceur extrême et l’air