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près de 17 ; en Portugal, de moins de 3 à 4 et demi. L’immense empire russe, quoiqu’il ne fût pas encore gagné par l’industrie, et qu’il demeurât soumis à des influences un peu différentes, ne se montrait pas moins prolifique : sa population passait de 40 millions, chiffre d’évaluation en l’absence de recensement régulier, à 95 millions environ en 1888. Les pays neufs et d’immigration voyaient le nombre de leurs habitans s’accroître encore davantage ; les Etats-Unis, par exemple, de 5 308 000 âmes en 1 800 parvenaient graduellement à 62 millions et demi en 1890. Bref, la population des pays civilisés, considérée dans son ensemble, avait sensiblement plus que doublé de 1801 à 1888. Et l’on ne pouvait noter aucune exception : la France elle-même, le pays où le mouvement de la population offrait le moins de force ascensionnelle, avait gagné près de 9 millions d’habitans, soit une proportion de 31 pour 100, de 1801 à 1856, passant de 27 400 000 à 36 100 000 ; dans les années immédiatement postérieures, même en notre pays, la population croissait d’une centaine de mille âmes environ par an.

Il paraissait donc bien démontré que, sans aucune exception, la population dans un pays civilisé tend à augmenter continuellement et rapidement. On oubliait la stagnation relative ou du moins le très faible accroissement constaté au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle.

Quelques esprits attentifs et perspicaces, cependant, en étudiant avec soin le mouvement de la population en France et dans quelques pays voisins, même quand il était encore dans la voie ascendante, démêlaient les signes d’un changement de direction. M. Léonce de Lavergne est celui qui le premier jeta un cri d’alarme, vers 1873 ou 1874. Nous-même écrivions alors que le jour où les Bretons, ce qui a chance d’arriver, auront pris les mœurs des Normands, et où les Bas et Hauts Alpins, Aveyronnais, etc., auront pris celles des Gascons, la population de la France ne pourrait guère se maintenir par son mouvement propre.

Il est superflu de s’étendre longtemps sur le cas si connu de la France : la natalité qui, depuis le commencement du siècle jusque vers 1836, s’était maintenue aux environs, et en général au-dessus de 30 pour 1 000 habitans, oscillant même dans le premier quart de ce siècle entre 31 et 33 pour 1 000, et dépassant sensiblement la natalité actuelle de la nation britannique, a fléchi