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quelque autre motif, il visita notre couvent. Quand je vis qu’il m’était inconnu ainsi qu’à nos frères, je lui demandai ce qu’il voulait, et comme il ne répondit rien, je lui demandai encore ce qu’il voulait. Alors lui, promenant en cercle son regard sur les frères qui étaient avec moi, il répondit : « La paix ! » — Et c’est l’amère et découragée réponse que fait à ses ministres, qui lui demandent ce qu’il veut, ce souverain autour de qui tout tombe : « La paix ! » — « Je veux la paix en Bohême ! » a-t-il dit au comte Badeni : il ne lui a pas dit autre chose. Mais ce mot, et ce seul mot de l’Empereur, éclaire à fond tout l’Empire.


III

Cette monarchie qui se transforme, qui se défait et se refait, en quel sens va-t-elle se refaire ? et d’abord, quand sa transformation s’opérera-t-elle ? Il est difficile de le prévoir avec quelque sûreté. Peut-être l’événement arrivera-t-il plus vite, et peut-être tardera-t-il plus qu’on ne pense. Comme c’est un lien personnel, plus encore qu’un lien dynastique, qui rattache à François-Joseph tous ces royaumes et pays que rien ne rattache l’un à l’autre, il se peut qu’un changement d’empereur, le jour, qu’on souhaite lointain, où il se produira, n’aille pas sans ce changement de l’empire. Il se peut aussi que l’Autriche, depuis un siècle et presque dans toute son histoire, passant sa vie à paraître n’avoir plus dix ans de vie, les choses traînent ainsi, ne mûrissent, et n’aboutissent que lentement. Le sens de cette transformation, nous est, quant à présent, caché comme sa date : ce que l’on en devine ne suffit pas à le déterminer, et nous ne pouvons aujourd’hui que rassembler les données sur lesquelles on devra aborder ce calcul de probabilités, où il reste plus d’une inconnue.

Si, dans la monarchie austro-hongroise telle que l’a faite le Compromis de 1867, la Hongrie s’est placée au moins sur le même plan et le même rang que l’Autriche, dans cet État de tant d’États, il n’est pas une nationalité, pas une race dont la position soit assez éminente parmi toutes les autres pour que, dès ce moment, on ose lui promettre l’avenir. Les Allemands ont pour eux une séculaire possession d’état, mais cette possession même s’est retournée contre eux, et contre eux aussi ils ont l’hostilité des Slaves. Les Magyars, en trop petit nombre, ont suffisamment à faire chez eux. Les Slaves ont pour eux le nombre, mais ils sont