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l’Empereur, pourquoi Votre Majesté a trois ministres des finances ; c’est parce qu’elle a trois ministres de la guerre ! » Et c’était se tirer spirituellement d’embarras ; mais qu’eût pu dire le roi d’Italie si on lui eût présenté, dans le ministère autrichien, le ministre sans portefeuille en sa vraie qualité de ministre pour la Galicie, et dans le ministère hongrois, avec son titre tout au long, le ministre pour la Croatie, Esclavonie et Dalmatie ? — car la Galicie a obtenu de l’Autriche une charte, et la Croatie a passé avec la Hongrie un sous-compromis. — Comment eût-il retrouvé son Autriche, en ce défilé solennel où, du particulier, se détachait et comme se déboîtait devant lui du plus particulier ?

Il n’y a pas un conseil des ministres, mais trois : conseil commun, conseil autrichien, conseil hongrois, chacun avec son président ; il est tout à fait exceptionnel qu’ils délibèrent deux à deux, le conseil commun avec le conseil autrichien ou le conseil hongrois ; et l’on n’imagine guère que le conseil autrichien puisse délibérer avec le conseil hongrois, ni tous les trois, délibérer ensemble. Le pouvoir effectif n’est pas là où à première vue il paraîtrait être. A première vue, on serait porté à concevoir le conseil commun des ministres comme une espèce de ministère supérieur ; ce qu’il n’est pas. Il n’a pas plus de pouvoir, il en a moins que le cabinet autrichien ou le cabinet hongrois ; il en a plus en étendue, dans les deux parties de la monarchie ; il en a moins, et très peu, en profondeur, dans l’une ou l’autre de ces deux parties ; sauf toutefois le ministre des affaires étrangères, mais il regarde le dehors et non point le dedans. A côté et déjà au-dessous de lui, arrêté, gêné déjà par un ministre autrichien et un ministre hongrois, le ministre commun de la guerre ; quant au ministre commun des finances, il fait tout simplement office de caissier, recevant de la main droite et payant de la main gauche. Dans la même capitale, à Vienne, aucune relation constitutionnelle entre le conseil commun et le conseil autrichien ; tout dépend de la bonne volonté réciproque des ministres ; constitutionnellement, les cinquante mètres qui séparent la Ballhausplatz, où est la présidence du conseil commun, de la Herrengasse, où est la présidence du conseil autrichien, font une distance aussi grande que celle qui sépare Vienne de Budapest.

Et le législatif ? Un double et triple parlement, un double et triple système de parlemens. Pour les affaires communes, les Délégations, qui sont deux : l’une émanant du parlement