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sont mêlés, fondus, unifiés. C’est ainsi qu’on ne saurait dire qu’il y ait eu une noblesse autrichienne, dans le sens où il y a eu, par exemple, une noblesse française ou une aristocratie anglaise. Les grandes familles allemandes, implantées et possessionnées en Bohême après la bataille de la Montagne-Blanche, n’y ont pas donné naissance à une noblesse autrichienne, mais tout au plus, et quand elles sont restées fidèles à leurs origines, à une noblesse allemande de Bohême. De même en Hongrie : rien n’est moins autrichien et plus magyar que la noblesse magyare, qui peut bien dans la monarchie accepter des offices et des charges de cour, mais qui ne les accepte qu’à la cour hongroise, jamais ou rarement à la cour autrichienne.

Car il y a, — nous y sommes ramenés, — un empire d’Autriche et un royaume de Hongrie ; il y aura peut-être avant longtemps un royaume de Bohême : couronne des Habsbourg, couronne de Saint-Etienne, couronne de Saint-Wenceslas ; et, plus tard, qui sait combien de royaumes et de couronnes ? Le ministre de la Maison impériale et royale fait bien de ne pas abréger dans le Gotha l’interminable liste des titres de l’empereur-roi : Empereur d’Autriche, roi apostolique de Hongrie, roi de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, d’Esclavonie, de Galicie, de Lodomérie et d’Illyrie, etc ; archiduc d’Autriche, grand-duc de Cracovie, duc de Salzbourg, de Steyer, de Carinthie, de Carniole et de Bukovine ; grand prince de Transylvanie, margrave de Moravie, duc de la Haute et de la Basse-Silésie, etc. Ce ne sont point là de vains titres, vides de toute réalité, ombres rôdeuses d’une histoire lointaine, qui ne peut plus revivre. Ce n’est point là, comme au Trésor de la Burg, le public et pompeux étalage de manteaux pour le sacre, de tuniques ou de robes impériales qui ne servent plus et ne serviront plus.

La symbolique du blason ne se trompe pas, qui a donné à l’aigle autrichienne deux têtes ; toutes deux couronnées, avec un double cou d’où pendent trois ordres de chevalerie, et des ailes sur lesquelles sont cloués une douzaine d’écussons. Ces écussons de royaumes et de duchés, on a voulu les réunir dans l’écu impérial qui les contiendrait ou les résumerait tous ; impossible : il eût fallu trop de quartiers, et sur le cœur l’aigle ne porte que les armoiries des Habsbourg. Or, comme dit le poète :


L’empereur est pareil à l’aigle, sa compagne.